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avril 12, 2011

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Lutte des classes sur bords de l’Erdre.

Ce week-end, une énième marche pour l’accès de tous aux rives de l’Erdre se déroulait à la Chapelle/Erdre, au nord de Nantes. Depuis quelques temps les propriétaires des terrains et châteaux s’accaparant les bords de la rivière se rassemblent pour empêcher le déroulement des marches organisées par le collectif «Erdre pour tous». Plusieurs dizaines de châtelains et de propriétaires contre une grosse centaine de marcheurs.

Dés 1920, les premières pétitions dénonçant l’accaparement des bords de la rivière, lieux de repos et de ballades dominicales pour la classe ouvrière nantaise et chapelaine, sont portées à la connaissance des autorités locales. Les premières marches à la fin des années soixante et au début des années soixante-dix, seront inaugurées à l’initiative de familles chapelaines qui voient s’installer petit à petit une nouvelle race de possédants, souvent ses propres patrons, qui commencent à clôturer les terrains; tranchant ainsi avec le paternalisme des anciens propriétaires généralement bienveillants avec promeneurs et pêcheurs locaux. Cette lutte aujourd’hui presque centenaire, est révélatrice d’un antagonisme dont les problématiques environnementales plus récentes n’ont pas modifiées les caractères principaux.

Comme lors des marches des années 70, de nouvelles bousculades ont eu lieu dimanche derniers provoqué notamment par les possédants, avec néanmoins un camp de propriétaires qui a su au fil du temps mieux s’organiser et se regrouper sous le nom d’«Erdre patrimoine naturel vivant». L’argument est de dire que les «pauvres» ne sauront pas respecter le patrimoine vivant des berges, contrairement à eux et leur privatisation illégitime de l’espace naturel commun. Ce week-end on s’est bien rendu compte que ces néophytes de l’écologie étaient plus volontiers portés à dénoncer les «hordes de marcheurs» «qu’on a pas invité chez nous», qu’à défendre l’ecosystème du martin pêcheur (qui dans la réalité ne se trouverait pas bouleversé).

L’Etat Francais contre le pouvoir politique local

Cette marche était la première depuis l’entrée en vigueur le mois dernier de l’arrêté du Conseil Général, visant à appliquer l’obligation, pour les propritéaires de terrains situés sur le domaine public fluvial, de «servitude de marchepied» de 3,25m pour les piétons. D’abord Les conseillers généraux Françoise Verchère et Hervé Bocher étaient d’ailleurs présents lors de cette marche. Dans un communiqué publié 24 heures avant la marche militante, le préfet Daubigny prenait la défense des propriétaires en stipulant que la décision du Conseil Général ne suffisait pour autoriser le passage des promeneurs et tentait de dissuader ceux-ci de continuer leurs marches. Le réprésentant non élu et imposé de l’Etat Français fait donc encore une fois le choix de défendre les intérêts de sa classe plutôt que l’application de la loi.

Les gendarmes envoyés au lieu-dit La Poterie, tout en avouant ne pas savoir quelle décision appliquer, réclameront «un arrangement entre les deux parties».

Là est bien le problème, il n’y a pas d’arrangement possible entre les deux parties qui semblent au moins d’accord sur ce point là.

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Quelle issue possible ?

Le préfet qui a l’habitude de se réveiller un peu tard le lendemain de sa partie de golf, vient d’appeler à des réunions de concertation les 19 et 20 avril à la Chapelle et Sucé, et le 24 mai à Carquefou. En effet l’arrêté pris par le CG ne concerne pour l’instant que ces communes, mais l’application de la «servitude de marchepied» devrait en théorie pouvoir se faire jusqu’à Nort-sur-Erdre. D’ailleurs la question de la privatisation scandaleuse par un particulier de l’ensemble de l’île Saint-Denis sur la commune de Sucé, fait écho à la situation du domaine châtelain de La Rivière à Petit-Mars, où le dernier propriétaire, «un grand industriel» (?) empêchent les autres habitants de la commune d’aller aux châtaignes ou aux champignons contrairement à l’habitude.

Il aura fallu plusieurs décennies d’action et de mobilisations directes sur le terrain pour commencer à entrevoir une réappropriation collective des rives de l’Erdre. Fruit de l’ensemble des luttes qui ont vu les populations se mobiliser pour se réapproprier leurs espaces naturels communs face aux intérêts privés, l’expérience nous montre que l’application de la loi ne se fera qu’avec la mobilisation populaire. Le collectif «Erdre pour tous» maintient d’ailleurs son appel à une marche le 8 mai à Sucé/Erdre.

Enfin, il parait clair dans cette affaire que la préfecture joue un rôle antidémocratique et empêche l’application des décisions légitimes de démocratie locale; ceci nous renforçant dans notre volonté d’obtenir une véritable démocratie capable de faire appliquer les décisions allant dans le sens de l’intérêt collectif du peuple Breton.

Jonathan Guillaume, pour BREIZHISTANCE-NAONED