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Podemos : Il n’est pas de sauveurs suprêmes !

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Robert Neal Baxter est adhérent de l’Union du Peuple Galicien organisation communiste composante essentielle du Bloc Nationaliste Galicien, force de gauche luttant pour une république galicienne indépendante et ayant un large écho au sein du peuple Galicien. Il est également collaborateur de la revue “Terra e Tempo” , organe historique de l’indépendantisme de gauche en Galice.

C’est à notre demande qu’il nous fait part de ses réflexions de communiste et d’indépendantiste Galicien ( qui connait fort bien la Bretagne ) sur le phénomène “Podemos” dans l’état espagnol.

Nous l’en remercions vivement.

Il nous a semblé important après l’engouement médiatique pour Syryza en Grèce de donner la parole à ceux qui critiquent Podemos dans l’état espagnol alors que cette organisation est souvent présentée comme l’alternative devant inspirer les recompositions politiques des forces anticapitalistes dans l’hexagone.

La rédaction de Bretagne-info.org

Podemos : Il n’est pas de sauveurs suprêmes !

Par Robert Neal Baxter

Robert Neal Baxter communiste Galicien pour l'indépendance
Robert Neal Baxter communiste Galicien pour l’indépendance

Tout d’abord et avant tout, le phénomène Podemos devrait susciter chez toutE militantE de gauche ou progressiste une profonde sensation de méfiance, s’agissant d’un ‘mouvement’ qui surgit, pour ainsi dire, du néant, sans travail de base ou de masses solide (tout au moins en Galice). Sa montée vertigineuse se fait, au contraire, grâce à une très habile utilisation des moyens de communication, notamment la télévision ; l’équivalent politique, en quelque sorte, des vedettes créées dans la popularité artificielle et creuse des concours télévisés du type Star Ac. Peu importe ce qu’on fait : l’important c’est de gagner la sympathie des spectateurs et des spectatrices coûte que coûte. L’image est tout et, en l’occurrence, le message ne fait que partie de cette image : contre tout et contre tous.

Car il n’y a pas un seul jour sans que, d’une façon ou une autre, les dirigeants de Podemos, notamment le leur gourou messianique, n’apparaisse dans le salon des potentiels électeurs à travers le petit écran. Et pas seulement à l’heure des actualités politiques, mais aussi dans des talk-show, débats-spectacles et autres émissions people où la mise en scène est de rigueur. Le flambant-neuf secrétaire général du P‘S’ espagnol a, lui aussi, également tenté le coup, mais n’a réussi qu’à faire le pitre…

Il y a de quoi se demander quel profit en tirent les chaînes (parmi lesquelles certaines qui appartiennent à des groupes audiovisuels les plus réactionnaires et ultraconservateurs) à leur tenir grandes ouvertes les portes de leurs plateaux, créant ainsi presque de toute pièce un mouvement politique auparavant inexistant sous quelques mois seulement et en l’alimentant de façon continue. En Galice c’est du déjà vu après la ascension météorique de AGE (sans nom même jusqu’à la veille des élections) grâce, surtout, à la presse écrite hégémonique, ayant comme objectif de balayer le nationalisme contestataire dans l’attente que le projet se dégonfle et s’effrite, dégageant ainsi le terrain pour refaire place à l’espagnolisme ultralibérale. Les intérêts économiques qui s’agitent derrière ces groupes ne sont pas ingénus: ils savent pertinemment que la révolution ne sera pas télévisée et qu’à moyen ou long terme c’est eux qui cueilleront les fruits de ce petit jeu qui, pour l’instant, a l’apparence de bénéficier la contestation. Il n’y a de meilleure forme de vaincre l’adversaire qu’en se l’appropriant. Une fois que le mécontentement aurait été dûment canalisé, il ne suffira ensuite que de le démonter de la même façon qu’il avait été monté. On a déjà vu en Grèce comment la ‘gôche radicale’ a fini par passer un accord avec la droite la plus rance. Les promesses du populisme sont éphémères et, en attendant, les piliers du pouvoir restent intacts.

Le nom Podemos en dit long, ou plutôt n’en dit rien du tout… Calqué sur le flou du Yes we can d’Obama (Oui, nous pouvons occuper l’Afghanistan, bombarder l’Iraq, ou la Libye ; Oui, nous pouvons soutenir l’état sioniste terroriste…), de la même façon ce mouvement évite de définir ce qu’ils peuvent justement faire. On est tenté de penser qu’il s’agit d’un ‘nous pouvons gagner les élections’, sans plus… Et ensuite ? Cette indéfinition, non seulement dans le nom mais aussi dans la pratique, leur permet de se faufiler dans une ambiguïté permanente, afin de piocher à droite comme à gauche à la recherche d’une majorité électorale en surfant sur le légitime dégoût que ressent bonne partie du peuple face aux scandales de corruption qui ne cessent d’éclabousser la vie politique soutenue par le bipartisme de toujours.

Podemos se plaît à dénoncer la corruption de tous les partis traditionnels sans exception en répétant le mantra de la clique (ou ‘caste’ selon leur novlangue) de la ‘classe politique’ (concept postmoderne n’ayant pas grand-chose à voir avec la division du travail) et s’efforce à s’en démarquer comme porte-parole du mouvement des simples citoyens, oubliant très vite que bon nombre des membres de la direction sont profs universitaires… Le but est de rompre avec l’alternance P‘SO’E-PP mais tout en s’assurant que si tout change tout devra rester pareil, car la permanence de l’état espagnol n’est pas mise en cause. Là, Podemos rejoint dans leur stratégie les autres ‘nouvelles forces’ unionistes émergentes comme Ciudadanos ou UPyD. Cette facette ressort clairement en Galice où leur attitude belligérante contre la langue galicienne est hors pair, discutant dans leurs assemblées s’ils vont employer le galicien comme langue publique, débat insolite dans tout le panorama politique du pays, et en utilisant les formes déformées des toponymes qui rappelle, très tristement, une époque qu’on aurait dû souhaiter révolue.

Pablo Iglesias leader de Podemos
Pablo Iglesias leader de Podemos

Sous le placage d’un mouvement révolutionnaire qui voudrait déblayer un système pourri, Podemos ne fait qu’agiter le vieux torchon de l’unité ‘nationale’ : « Je suis un patriote, déclare Iglesias, et je n’aime pas qu’il y ait des militaires d’autres pays sur le territoire national (sic.). Je n’aime pas que l’OTAN soit dans notre pays». La république souveraine de la Galice romprait aussi avec l’OTAN, mais non pas pour ce genre de raisons chauvines, mais parce que, depuis toujours, le nationalisme galicien s’engage profondément avec le principe de l’anti-impérialisme. Mais l’anti-impérialisme serait, paraît-il, démodé. Pendant que le nationalisme galicien se range résolument aux côtés du peuple palestinien, dénonçant le génocide par tous les moyens, Podemos Science refuse d’adhérer au boycott académique international contre l’état sioniste en proclamant que «censurer scientifiquement des pays n’a pas de sens parce que la science est neutre et ne connaît ni frontières, ni langues, ni politique, ni guerres ». Et pourtant, tout indique que les institutions académiques de l’état sioniste sont complices de l’occupation des territoires palestiniens.

Aujourd’hui la question nationale de l’émancipation des peuples opprimés joue un rôle fondamental dans la vie politique de l’état espagnol. Et qu’on le veuille ou pas –qu’on soit nationaliste ou pas– la possibilité de l’indépendance de la Catalogne représente l’espoir d’un vrai changement profond de l’actuel état unitaire héritier du franquisme. Qu’en pense donc Podemos ? Difficile à dire, parce que, comme d’habitude, ils jouent à souffler le chaud et le froid. D’une part, leurs publications «reconnaissent le droit des différents peuple de l’UE à se constituer en tant que tels et à décider démocratiquement leur futur ». Mais le diable est dans le détail : à quel ‘peuple’ se réfèrent-ils ? Encore difficile à dire. Dans un meeting à Barcelone, leur chef suprême reconnaît que « la caste espagnole a insulté la Catalogne et a ignoré le fait que l’Espagne est un pays de nations », tout en refusant de se positionner clairement à faveur du référendum, mais en exhortant les indépendantistes à «ranger les drapeaux» et exprimant son vœu de ne pas voir ‘partir’ la Catalogne. Pourtant, le numéro trois, lui, n’a pas sa langue dans sa poche. Íñigo Errejón s’aligne complètement sur la position du PP en déclarant clairement que l’indépendance de la Catalogne doit être décidée par tous les espagnols. Et l’indépendance du Sahara para tous les marocains aussi, je suppose…

On est du côté des masses populaires ou on n’y est pas et quand des millions de personnes descendent dans les rues en Catalogne et ailleurs pour réclamer non pas l’indépendance mais le simple droit de décider de leur futur, la volonté populaire est assez claire en revendiquant le droit foncièrement démocratique du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Qu’y aurait-il de ‘plus démocratique, après tout, qu’un référendum populaire ? Mais Podemos reconnait que l’enjeu est majeur : «La Catalogne est une priorité pour nous. Il est clair qu’on ne peut pas gagner en Espagne sans gagner en Catalogne», déclare Marc Bartomeu, secrétaire général de Podemos Barcelona.

Le nationalisme galicien a toujours été aux côtés du peuple, des ouvriers, des paysans, des marins, et aussi de celles et ceux qui souffrent les conséquences de la crise du système capitaliste (fonctionnaires, retraitéEs escroquéEs para la fraude bancaire des actions de priorité…). Et nous y resteront, convaincuEs du besoin de maintenir des structures d’auto-organisation, sans soumissions à des centres de décisions externes qui vont à l’encontre des intérêts du peuple galicien.

Sauvons-nous nous-mêmes !

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