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La Gauche Indépendantiste Bretonne dont nous sommes une des expressions organisées tient à s’exprimer sur le mouvement qui traverse le monde agricole notamment en Bretagne.

Libre échange et guerre impérialiste

Alors que les industriels et la grande distribution engrangent des profits exorbitants, il est  légitime que les agriculteurs/trices soient justement rémunéré-es.

Les accords de libre échange sont mortifères et il est anormal que, pour soutenir l’effort de guerre d’extension impérialiste que mènent l’Union Européenne et les USA en Ukraine contre l’autre puissance impérialiste en présence dans ce conflit – la Russie -, les poulets Ukrainiens puissent inonder le marché sans aucune restriction ni norme. 

Cela peut sembler étonnant de parler ici de la guerre en Ukraine, mais la guerre « entre États » : c’est la « continuation de la politique selon d’autres moyens », comme le disait le stratège Prussien Clausewitz. La guerre en Ukraine, pour condamnable que soit l’occupation d’une partie de l’Ukraine par la Russie, est de facto motivée par un élargissement de l’UE (et donc du marché agricole) et de l’OTAN. On peut souligner ici combien nous sommes soumis à un matraquage idéologique et médiatique féroce pour soutenir l’effort de guerre ukrainien sans broncher ni interroger ce régime. Et comment se fait-il que l’Ukraine, pas encore membre de l’UE, soit dispensée de norme et autorisée à exporter en masse ses produits agricoles (céréales et poulets)  vers l’UE et que nous n’ayons pas notre mot à dire ?

Qui pouvait penser que cette situation ne serait pas source de contradictions ?

À chaque fois que le marché européen s’est élargi, dans un cadre heureusement moins meurtrier que le conflit en Ukraine, cela s’est fait au détriment des paysans/agriculteurs les moins solides en Bretagne. Et cela a renforcé la concentration des terres, des organes de décisions et de redistribution aux mains de quelques-uns.

La guerre impérialiste en Ukraine est un motif d’augmentation des prix de l’énergie. Dans la grande distribution, l’inflation des produits du quotidien est justifiée par la guerre.

Il est évident que les négociations des prix pour la grande distribution à laquelle se livre le gouvernement pour tenter de prétendre lutter contre l’inflation obligeront les agriculteurs à baisser leurs marges sur les matières à transformer en amont.

C’est cette tenaille qui étrangle certains d’entre eux. Ceux qui ont déjà les conditions de vie les plus dures. Mais le corporatisme qui inclut dans les mêmes structures les plus pauvres et les dirigeants syndicaux de la FNSEA qui sont des business men-women dont les intérêts ne peuvent être ceux de la majorité sociale, ne peuvent permettre la mise en place d’un projet émancipateur et égalitaire, prenant en compte les enjeux climatiques urgents.

Il ne peut y avoir de lutte efficace contre le libre-échange si la Bretagne n’a pas son mot à dire à travers un pouvoir politique breton. 

Cette crise souligne aussi le déficit de représentation de la Bretagne à l’international dans les instances pour défendre les intérêts spécifiques du monde agricole breton au nom du droit à l’égalité entre toutes les nations. C’est la seule façon pour que les effets accords de libre-échange qui mettent les agriculteurs en concurrence soient atténués et que la Bretagne ne soit pas secouée régulièrement par les conséquences brutales d’accords sur lequels elle n’a pas à dire un mot, malgré le poids écrasant de l’agriculture dans l’économie bretonne.

Cela questionne bien sûr l’absence de statut spécifique pour la Bretagne et l’absence de concrétisation des prétendues velléités autonomistes des forces siégeant au Conseil Régional de Bretagne.

Nous soulignons que l’extrême-droite qui tente de surfer sur le mécontentement agricole se garde bien sûr de revendiquer le droit pour la Bretagne à avoir un statut spécifique et à s’émanciper de la tutelle de Paris.

Une sympathie naturelle pour des métiers difficiles, et la recherche d’un autre modèle agricole ?

En raison de liens familiaux, d’une proximité géographique évidente, d’une défense de la ruralité contre la métropolisation, du poids fort de l’agriculture dans l’économie bretonne, il y a une forte sympathie spontanée parmi de larges secteurs du peuple breton envers le monde agricole en réelle souffrance.

Cela n’exonère pas de la nécessaire et urgente élaboration d’un modèle agricole breton prenant en compte les désirs de l’ensemble de la population bretonne pour en finir avec un modèle ultra-productiviste et polluant qui a fait son temps. La Bretagne est riche d’alternatives autour de l’agriculture paysanne, valorisons-la, préservons et développons-la, notamment en accentuant les débouchés collectifs locaux pour ses produits. Pour cela, il faut en avoir les moyens, notamment une capacité d’intervention budgétaire locale renforcée qui fait défaut à la Bretagne en raison de la débilité de son statut. 

Malgré la compréhension de la sympathie populaire naturelle pour le monde agricole breton, nous ne pouvons faire l’économie de certaines critiques à l’endroit de quelques contradictions flagrantes qu’il convient de souligner.

Une partie des dirigeants syndicalistes agricoles se posent en champion de la ruralité contre la gabegie des métropoles qui seraient aux mains de bobos écolos. La critique du modèle de sur-attractivité des métropoles est juste et légitime. Mais nous n’avons pas vu ces derniers mois, hormis dans une certaine mesure à Carhaix, les leaders syndicalistes paysans mobiliser contre la liquidation des hôpitaux publics à Guingamp, Landerneau, Lannion, Pontivy… Ce simple constat rappelle la profondeur des réflexes corporatistes du milieu agricole, qui est prompt à critiquer ceux qui questionnent les conséquences environnementales du modèle agricole breton qui existe depuis 50 ans, en les présentant comme exogènes justement aux zones marquées par la ruralité. Mais que font-ils pour maintenir des services publics au bénéfice de toute la population en zone rurale ?

Trop de charges ? Trop de paperasse ?

Quiconque a un tant soit peu fréquenté les permanences d’Union Locale de syndicat de salariés en zone rurale sait que les ouvriers agricoles sont nombreux (malgré un faible taux de syndicalisation) à solliciter les syndicats pour des recours contre des employeurs agricoles qui, au nom du refus de la paperasse, s’exonèrent de leurs obligations d’employeurs les plus basiques.

Cela a parfois des conséquences dramatiques et irrémédiables.

 

De ce point de vue, si tout le monde comprend bien que moins de normes en matière environnementales est néfaste pour la biodiversité et la nature, il faut aussi entendre et lire les témoignages qui sont pléthores évoquant le non-respect délibéré du code du travail, des rappels des conditions de sécurité dans nombre d’exploitations agricoles. C’est bien souvent au nom d’une certaine phobie administrative que ces employeurs mettent leurs salariés en péril, ou ne les salarient pas dans un cadre légal.

On ne peut oublier que cette richesse produite par les agriculteurs et les ouvriers agricoles vient aussi de ceux qui la rendent possible et la transforme : ouvriers d’usines d’aliments pour bétails, ouvriers d’abattoirs et chauffeurs poids lourds font face à des conditions de travail difficiles, des cadences infernales, des horaires dépassant régulièrement les dix à douze heures de travail journalier, et ce, pour des salaires très bas. Augmentations de salaires et primes sont parfois refusées par les agriculteurs adhérents de la coopérative qui se partagent les bénéfices au lieu de les redistribuer aux ouvriers.

Dans cette période où l’extrême-droite impose sans trop de problèmes ses thématiques xénophobes, nous souhaiterions rappeler la présence de très nombreux travailleurs sans papiers dans les entreprises de l’agro-alimentaire (abattoirs) mais aussi dans le maraîchage et l’élevage. C’est le patronat agricole local qui a recours en connaissance de cause à cette main d’œuvre.

Enfin, si nous ne souhaitons évidemment  pas une judiciarisation du mouvement agricole en cours, nous ne pouvons que constater la totale impunité dont jouissent certains pour des faits qui théoriquement sont réprimables d’un point de vue légal. Cela tranche avec la répression qui continue de s’abattre dans les mêmes endroits de Bretagne contre des syndicalistes de la CGT ou d’autres participants au mouvement de défense des retraites de l’année 2023 pour des faits ayant entraînés bien moins de conséquences concrètes en termes d’atteintes aux biens. Si nous soulignons cette évidence, ce n’est pas pour appeler à la répression, mais plutôt pour remettre en évidence que la justice se rend sur la base de rapports de forces politiques et pas du tout par une gestion individuelles des dossiers comme aiment à nous le prétendre juristes, magistrats et politiciens.

 

Que faire ?

La tentation de ne pas passer à côté d’un mouvement social type Gilets Jaunes, après la défaite du mouvement de défense des retraites, taraude toute une partie de la gauche.

Autour de Nantes, la Confédération Paysanne a mené des actions de filtrage le 25 janvier, défendant leurs points de vue sans se mélanger aux autres organisations d’agriculteurs, valorisant ainsi un point de vue alternatif et « anti-libéral ».

Ainsi, la Confédération Paysanne réclame notamment, en entrant dans le mouvement de contestation, l’Instauration de prix garantis pour les produits agricoles et l’accompagnement  économique à la transition agroécologique à la hauteur des enjeux, la  priorité à l’installation face à l’agrandissement, l’arrêt de  l’artificialisation des terres agricoles.

Si l’appel de la CGT à construire de convergences avec le MODEF (Syndicat Paysan proche du PCF) et la Confédération Paysanne se concrétise dans des initiatives garantissant un minimum d’autonomie de classe, c’est-à-dire traçant une limite entre les intérêts divergents de certaines catégories du « monde agricole » et l’intérêt collectif, il faut y apporter une attention. S’y joindre en tant que militants indépendantistes révolutionnaires veut dire, y construire des moments d’unité populaire ne négligeant pas les revendications suivantes :

  • Non au libre-échange et droit à la représentation de la Bretagne dotée d’un statut politique au niveau international
  • Oui à des prix planchers pour les producteurs leur garantissant des revenus
  • Oui à des aides à la transition par le maintien d’un revenu garanti pour les producteurs voulant changer de modèle !
  • Régularisation des travailleurs sans papiers employés dans les exploitations agricoles et les usines d’agro-alimentaire en Bretagne !
  • Non à la casse des services publics hospitaliers dans les territoires ruraux non liés aux métropoles !
  • Non à l’augmentation des tarifs de l’énergie pour tous !
  • Retour de la distribution de l’énergie dans un cadre public !
  • Hausse des salaires, des pensions et des minimas sociaux !
  • Arrêt de l’aide militaire à la Guerre Impérialiste en Ukraine, des ventes d’armes à Israël et la Turquie et baisse des budgets militaires !
  • Amnistie pour les syndicalistes et manifestants du mouvement contre la réforme des retraites !

War-Sav, la Gauche Indépendantiste Bretonne