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Avortement, les femmes décident !

Pour le droit à l’avortement dans toute l’Europe !

Aujourd’hui, le droit à l’avortement au sein de l’Europe relève de la compétence de chaque État. Interdit à Malte, sous hautes contraintes en Irlande, en Hongrie et en Pologne, le droit à l’avortement, même légalisé est, peut ou pourrait être remis en question par le maintien de la clause de conscience des médecins (Italie), l’absence de structures hospitalières adéquates (Grèce, Bavière), les restrictions de personnels et les suppressions des centres pratiquant l’avortement lors de restructurations hospitalières (France), et, dans tous les pays, par l’élection de gouvernements réactionnaires, conservateurs et rétrogrades.

Nous réaffirmons que :

• L’accès à l’avortement est un droit ;

• L’avortement est un choix personnel – mon corps m’appartient, je choisis ma vie ;

• Des moyens financiers doivent être donnés pour que les centres pratiquant l’avortement et les centres de planification soient accessibles à toutes sur les territoires ;

• Des campagnes tous publics sont nécessaires ;

• L’éducation à la vie sexuelle doit être prodiguée à toutes et à tous pour qu’elles et ils puissent avoir des choix libres et éclairés ;

• La formation aux techniques d’avortement et à l’accompagnement doit faire partie intégrante de la formation initiale des professionnel/les de santé ;

• La clause de conscience des professionnel-les de santé doit être supprimée ;

• Les délais légaux pour avorter doivent être harmonisés sur ceux des pays les plus progressistes en Europe et les États doivent dépénaliser totalement l’avortement.

Partout en Europe, partout et dans l’état français des mobilisations sont organisées le 28 septembre 2017 pour défendre le droit des femmes à disposer de leur corps et à avoir accès à des avortements sécurisés .

En voici trois en Bretagne :

– Douarnenezjeudi 28 septembre 2017 à 19h Rassemblement Place de la Mairie

– Rennes : Jeudi 28 septembre, 18h Rassemblement et manifestation, place de la République

– Saint-Brieuc : Jeudi 28 septembre place Allende 12H

Le site de la campagne internationale est là.

Nous reproduisons ici, à quelques jours de la célébration de la journée  de lutte internationale des femmes, un texte traduit par le collectif parisien “Libération Irlande“. Ce collectif de solidarité avec le mouvement républicain Irlandais le plus radical semble en sommeil, toutefois grâce à eux de nombreux textes des différentes factions du républicanisme Irlandais sont disponibles pour les lecteurs francophones.

Le texte “Féminisme et républicanisme irlandais” retrace la place supposée de la femme dans l’Irlande au moyen-âge mais surtout narre la genèse de la rencontre entre mouvement de libération nationale Irlandais, mouvement ouvrier et lutte féministe dans l’Irlande du 20eme siècle.

Bien qu’un peu daté ce texte montre bien le lien entre lutte pour l’autodétermination et émancipation féministe. Comme le rappelle une autre militante républicaine Irlandaise dans un autre texte  (jette ton tablier et prendre les armes ! ) :

La lutte pour l’auto-détermination de l’Irlande ne peut être séparée de « l’auto-détermination des femmes

« Le concept d’auto-détermination est à mon avis ce qui définit le mieux le féminisme républicain. Ce concept est sans doute mieux connu sous son aspect nationaliste que féministe, mais il a clairement un sens féministe aussi. L’auto-détermination, c’est le droit et la capacité de faire des choix véritables sur ce qui touche à nos vies : notre fécondité, notre sexualité, le soin et l’éducation des enfants, les moyens d’être indépendante, et tous les domaines dans lesquels on nous prive d’autonomie et de dignité, dans les différentes facettes de notre identité de femmes. »

Ce lien nous semble universel et non spécifiquement Irlandais , et donc valable dans la perspective de la  lutte pour une république bretonne  indépendante , réunifiée, brittophone, socialiste,  antipatriarcale, combat dont nous sommes partie prenante.

La rédaction de Bretagne-info.

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Voici un texte intéressant, écrit par Jan Cannavan probablement au début des années 1990, intitulé Women’s struggle liberates Ireland/Ireland’s struggle liberates women : feminism and irish republicanism. La faiblesse de ce texte, très favorable aux Provisoires ( NDLR = Le Sinn Fein de Gerry Adams ) , est une idéalisation du mouvement républicain et une absence d’autocritique, néanmoins il est assez instructif.

Depuis la deuxième vague du féminisme au début du mouvement contre la Guerre du Vietnam, des femmes ont débattu dans le monde entier de la compatibilité entre libération nationale et libération des femmes. Les questions dominantes étaient celles-ci : lequel de ces deux mouvements est-il davantage susceptible de libérer les femmes? Et si les deux sont nécessaires, comment pourraient-ils coexister? Qu’en est-il des autres oppressions que subissent les femmes, à savoir l’oppression de classe et l’oppression de race?

Cet article examinera ces questions à la lumière du cas irlandais, placera la libération nationale et la libération des femmes dans leur contexte historique propre et décrira la condition sociale et économique des femmes d’Irlande aujourd’hui. Pour finir, il comparera les voies de la libération des femmes telles qu’elles sont définies par les féministes d’une part et les républicaines irlandaises d’autre part.

La colonisation de l’Irlande par la Grande-Bretagne commença avec l’invasion anglo-normande de 1169, qui fut accomplie vers 1652 sous Cromwell. Le gouvernement britannique expulsa les Irlandais indigènes de leurs terres et posa à leur place des colons-planteurs loyaux. Les Irlandais indigènes furent gouvernés par les Lois Pénales, un code d’apartheid qui les empêchait de posséder des terres ou des chevaux, de pratiquer leur religion, de participer au gouvernement ou d’éduquer leurs enfants.

Cette répression fit naître des sociétés secrètes et des révoltes agraires à chaque génération. Beaucoup de planteurs presbytériens sympathisaient avec les doléances des indigènes catholiques, étant donné qu’ils étaient presqu’aussi opprimés par la loi de l’administration coloniale qui restreignait le commerce et maintenait délibérément l’Irlande dans le sous-développement.

Suivant les exemples des révolutions américaines et françaises, les éléments insatisfaits du pays se réunirent dans les Irlandais Unis – United Irishmen, un mouvement pour une République irlandaise indépendante. Après beaucoup de soulèvements manqués, ce but fut partiellement réalisé en 1921 avec l’octroi d’une indépendance limitée pour 26 comtés des 32 comtés d’Irlande.

Toutefois, les républicains irlandais, et avec eux la majorité des nationalistes, n’acceptèrent jamais la partition de l’Irlande et combattent encore pour une Irlande unie et socialiste.

Les femmes irlandaises ont vu le destin de leur libération en tant que genre entrelacé avec celui de leur nation. Dans l’Irlande celtique avant la conquête, les femmes jouissaient de beaucoup de droits légaux, d’un niveau tel qu’il n’est pas atteint dans la plupart des pays aujourd’hui. Les femmes gardaient leur propriété même dans le mariage, et aucun des partenaires ne pouvait passer contrat ou faire des affaires sans le consentement de l’autre.

Aussi bien l’époux que l’épouse pouvait divorcer pour un grand éventail de raisons, une femme par exemple pouvait divorcer de son mari pour quatorze raisons, dont la diffamation à son encontre ou le manque d’harmonie sexuelle. Les femmes étaient protégées hors du mariage, en ce qui regarde le droit commun et les relations de passage et ainsi, aucun enfant n’était considéré comme illégitime.

La conquête britannique mit fin au système légal indépendant et supprima la plupart des droits traditionnels des femmes irlandaises. Il apporta également un nouveau sens de la pudibonderie, qui ne faisait pas partie de la culture irlandaise. On voit encore dans les ruines de certaines églises datant d’avant la conquête des bas-reliefs montrant des sile-na-gigs, des formes féminines nues aux organes génitaux très exposés, avec de fréquentes scènes de masturbation.

Une tradition celtique à laquelle la conquête n’a pas mis fin fut l’existence et l’acceptation de femmes fortes et guerrières. Dans la saga principale de l’Irlande, Tain bo Cuailgne [traduction française : ‘La razzia de Cualngé’, pp. 91-116, in L’épopée irlandaise, trad. Georges Dottin, col. L’arbre double, ed. les presses d’aujourd’hui, 1980], la reine guerrière Mêve mène son armée à la victoire, noyant l’armée adverse sous un flot d’urine et de sang menstruel.

A l’époque de la reine Elisabeth d’Angleterre, Grainne Mhaol menait son clan dans des attaques pirates contre les vaisseaux britanniques, pour finir par négocier en tant qu’égale avec la reine. Dans toutes les rébellions irlandaises, les femmes combattirent aux côtés des hommes et prirent part à toutes les activités. Mais la plus grande partie de cette histoire des femmes a été obscurcie et n’est redécouverte que depuis peu. Par exemple, les récits d’époque de la rébellion de 1798 enregistrent beaucoup d’actions menées par des femmes, mais les historiens qui sont venus par la suite ont négligé tous ces épisodes.

Des revendications féministes ont accompagné les luttes nationalistes, depuis au moins 1798. Mary Ann McCracken, une des Irlandaises Unies – United Irishwomen, était une admiratrice de Mary Wollstonecraft. Avant de rejoindre la société des Irlandaises Unies, elle écrivit à une amie emprisonnée qu’elle souhaitait « savoir si elles avaient une idée rationnelle de la liberté et de l’égalité pour elles-mêmes, ou bien si elles se contentaient de leur condition abjecte et dépendante, avilie par la coutume et l’éducation en-dessous du rang social où elles étaient placées à l’origine. »

Au moment du Soulèvement de Pâques 1916, trois mouvements avaient uni leurs forces pour profiter de l’occasion offerte par les préoccupations britanniques en pleine Guerre Mondiale : le mouvement nationaliste, le mouvement ouvrier et le mouvement des femmes. Cette alliance signifiait qu’un programme progressiste pour les travailleurs et les femmes accompagnait les exigences de libération nationale. James Connolly, qui était un théoricien socialiste et un des dirigeants exécutés de la rébellion, soutenait le mouvement pour le suffrage féminin. En 1915, il écrivit : « L’ouvrier est l’esclave de la société capitaliste, l’ouvrière est l’esclave de cet esclave ».

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Et lorsqu’en 1918 les républicains remportèrent la victoire électorale dans toute l’Irlande et mirent sur pied leur propre parlement, Constance Markievicz, une des dirigeantes de 1916, fut nommée Ministre du Travail. Elle et Alexandra Kollontaï en Union Soviétique furent les première femmes occupant le poste de ministre.

La partition de l’Irlande et la guerre civile qui s’ensuivit déboucha sur la victoire des forces pro-britanniques et conservatrices. Dans les années 1930, beaucoup de leaders radicaux combattirent et tombèrent pour la République espagnole. Ceci ouvrit la voie à la constitution irlandaise de 1937, dont l’article 41 stipule que « par sa vie menée dans son foyer, la femmes donne à l’Etat un soutien sans lequel le bien commun ne peut pas être atteint. »

A la fin des années 1960, la Northern Ireland Civil Rights Association – Association pour les Droits Civils d’Irlande du Nord, inspirée par le mouvement pour les droits civils des Afro-américains, engagea une lutte non-violente pour que les catholiques nationalistes des six comtés obtiennent des droits égaux. Il y avait une grande proportion de femmes dans ce mouvement, mais la direction était entièrement masculine, à l’exception de Bernadette Devlin.

Lorsque les manifestations pacifiques rencontrèrent la répression violente et les coups de feu (processus culminant avec le Bloody Sunday, qui vit les parachutistes tuer quatorze manifestants désarmés), la lutte armée recommença.

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De même, au début des années 1970, un mouvement des femmes émergeait à Dublin, inspiré par ce qui existait aux Etats-Unis et dans d’autres pays européens. Les féministes irlandaises faisaient de l’agitation pour que soit réformé le système social, en faveur des mères seules, en faveur d’un traitement égal en matière d’emploi, de salaire et d’éducation, ainsi qu’en faveur du droit au divorce et à la contraception. L’une de leurs premières actions fut de prendre le ‘train de la contraception’ vers Belfast, en mai 1971.

Depuis que la contraception fut légalisée en Irlande du Nord, 47 femmes y allèrent et ramenèrent de grandes quantités de contraceptifs, qu’elles déclarèrent ouvertement aux douanes irlandaises à leur retour. Cette action attira dans une grande mesure l’attention des médias et déclencha une grande campagne, qui déboucha sur la légalisation partielle de la contraception.

En 1975, le Mouvement pour les Droits des Femmes d’Irlande du Nord – Northern Ireland Women’s Rights Movement (NIWRM) fut fondé à Belfast, exigeant la parité avec la Grande Bretagne en ce qui concerne les droits des femmes. Ce mouvement était légaliste, avec comme bases les classe moyennes, et ne prenait pas position sur les questions qui concernaient les femmes du peuple et les femmes nationalistes. L’année suivante, lorsque le NIWRM critiqua le Troops Out Movement – Mouvement pour l’expulsion des troupes britanniques, un Groupe de Femmes Socialistes – Socialist Women’s Group, fit sécession.

Puis, en 1977, ce dernier groupe scissionna, donnant naissance au Belfast Women’s Collective – Collectif des Femmes de Belfast, qui fut formé pour travailler de façon plus rapprochée avec le mouvement républicain, en particulier au sujet des femmes emprisonnées. Une nouvelle scission survint, qui produisit en 1978 le groupe Women Against Imperialism – Femmes Contre l’Impérialisme, qui était lié de façon encore plus étroite avec les républicains. La centralité de la lutte nationale et la polarisation des positions à ce sujet empêcha le développement d’un mouvement féministe unifié au Nord de l’Irlande.

Pour comprendre la condition féminine en Irlande, il faut connaître un peu la société irlandaise et ses conditions économiques. Les six comtés occupés de l’Irlande du Nord forment une colonie britannique, dirigée directement depuis Londres. Les 26 comtés du Sud sont une néo-colonie, formellement indépendante mais ayant une économie complètement dominée par les investisseurs multinationaux. En termes économiques, l’Irlande est un pays du tiers-monde. Officiellement, le taux de chômage dans les deux parties de l’Irlande dépasse les 17%. Mais dans certains quartiers populaires, il est de plus de 80%. Politiquement, les deux parties de l’Irlande sont des Etats confessionnels conservateurs.

Le Sud est dominé par l’Eglise catholique, et le Nord par un protestantisme fondamentaliste. Les deux Etats sont extrêmement conservateurs en matière sociale, et les deux emploient des mesures répressives et la censure pour maintenir l’ordre établi. Ces conditions économiques et sociales ont un lourd impact sur les femmes. Bien que davantage de femmes soient entrées sur le marché du travail ces dernières années, ces emplois se concentrent dans les industries de service. Les femmes dans les 26 comtés gagent seulement 60% du salaire masculin, dans les 6 comtés, 75,5%. Plus de 1,25 million de femmes irlandaises (c’est-à-dire la moitié de la population féminine) est considérée comme vivant dans la pauvreté.

Les conditions d’existence des femmes, dans ces sociétés caractérisées par des liens puissants unissant les églises et les Etats, n’ont pas connu d’amélioration significative depuis le début des années 1970.

Les contraceptifs peuvent désormais être prescrits dans les 26 comtés, mais beaucoup de médecins et de pharmaciens, surtout dans les zones rurales, refusent de les donner. Les préservatifs ne peuvent être vendus qu’en pharmacie, un magasin de Dublin qui tenta d’outrepasser cette règle fut conduit devant les tribunaux et condamné, en 1990. L’avortement, qui a toujours été illégal en Irlande, fut rendu anti-constitutionnel lors d’un référendum en 1983. Même l’accompagnement non-directif de la grossesse, avec l’option de se faire avorter en Grande Bretagne, est illégal.

Dans le Nord, l’avortement est illégal également, même si l’Irlande du Nord est censée être partie intégrante de la Grande Bretagne. Le divorce est encore illégal dans les 26 comtés, même si une campagne pour un nouveau référendum à ce sujet se développe. En Irlande du Nord, les femmes doivent faire face aux soldats armés dans leurs rues, aux raids constants dans les maisons, aux fouilles corporelles et au fait de devoir s’occuper seules de leurs familles quand les époux sont en prison ou en cavale

Les féministes et les républicaines féministes proposent des solutions différentes au problème de l’oppression des femmes. Le mouvement féministe, qui appartient largement aux classes moyennes, voit une issue dans le travail en direction de l’égalité et de la neutralité en matière de genres, à l’intérieur du système légal existant. La Commission pour un Statut des Femmes, un organisme délibératif soutenu par le gouvernement, suggéra beaucoup de pistes de changement en matière d’emploi et de lois sociales, qui résorberaient certaines des inégalités les plus criantes.

Beaucoup de féministes considèrent qu’il faut des actes qui aillent au-delà de la simple égalité formelle, comme des crèches et des possibilités de contrôler leur propre fertilité, en tant que conditions pré-requises pour l’égalité. Des campagnes axées sur ces points particuliers ont été et sont menées par les groupes féministes. Les groupes culturels de femmes, comme des ateliers d’écriture, de thérapie de groupe, de sport, etc. sont considérés par nombre d’entre elles comme « un environnement alternatif au sein duquel les femmes peuvent explorer des idées et se soutenir les unes les autres, loin des contraintes imposées par les structures patriarcales. »

Les féministes républicaines considèrent que cette approche est trop fragmentaire et qu’elle s’attaque aux symptômes et non aux causes des problèmes des femmes, qu’elles identifient comme étant le capitalisme et l’impérialisme britannique, en même temps que le patriarcat. Comme le dit Mary Nelis, une activiste Sinn Fein [provisoire] de Derry : « Le système patriarcal, avec ses sous-produits l’impérialisme et le capitalisme, peut se permettre des réformes et peut même permettre à des femmes d’être des figures de proue du pouvoir (par exemple Maggie Thatcher), pourvu que les règles fondamentales établissant l’inégalité essentielle restent intactes. »

La fragmentation en une multitude groupes se préoccupant chacun d’un aspect particulier et intriguant les uns contre les autres pour obtenir des fonds et de la considération, est vue par les féministes républicaines comme une chute « dans le vieux piège de diviser pour régner ». Elles considèrent également que l’appareil d’Etat a dans une certaine mesure absorbé le mouvement des femmes. Les féministes les plus acceptables sont désormais partie prenante de l’establishment et passent à loisir à la radio, ce qui nous est interdit, à nous autre républicaines, par la loi section 31 (loi censurant l’expression du républicanisme dans les 26 comtés).

Dans ces conditions, où est le véritable danger?

Nell McCafferty, journaliste féministe dont les travaux sont connus dans le monde entier, s’était mise hors la loi pendant des années au nom du droit des femmes à la contraception, et avait raconté ses « activités criminelles ». Comme elle le disait : « Cela n’a pas du tout nui à ma carrière. » Sauf qu’un jour, dans une interview, elle déclara soutenir l’IRA. Et là, elle fut séance tenante bannie de la radio irlandaise.

Voyons maintenant les objections adressées à la lutte républicaine par les féministes. Elles tombent en général sous ces trois catégories. 1. c’est une guerre d’hommes; 2. les femmes devraient se concentrer sur leur propre libération en tant que femmes; 3. ce conflit est différent des luttes légitimes dans le tiers-monde.

Cathy Harkin, du Derry Women’s Aid, un refuge pour femmes battues, met en avant la première objection. Elle identifie la ville de Derry comme un « patriarcat armé » et dit que les femmes dans le mouvement républicain ont rarement eu accès à des positions d’autorité sauf lorsqu’elles adoptent les idéaux, les buts et la discipline masculine du mouvement. »

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Cet argument, qui a fait débat pendant des années dans les cercles féministes, présuppose que les femmes sont « naturellement » pacifistes et que toute femme qui prend partie dans une lutte qui inclut une composante militaire ne peut aller que contre sa véritable nature et ne fait que suivre les hommes.

Suivre un tel argument, c’est suivre une pente dangereuse pour les femmes, parce que la théorie des « différences » biologiques et psychologiques a été utilisée contre les femmes pendant toute l’histoire du patriarcat. En outre, comme une volontaire de l’IRA l’a affirmé : « Ce n’est pas une guerre des hommes, c’est une guerre du peuple. »

Margaret Ward, historienne féministe, soulève la deuxième objection. Elle demande : « Le féminisme peut-il offrir un tel soutien sans qualification (à la libération nationale) tout en restreignant ainsi sa capacité à saisir la réalité de l’oppression de toutes les femmes et à combattre sans compromis pour les intérêts des femmes? »

Cette critique soulève deux questions : 1. quels sont les problèmes des femmes? Et 2. est-ce que le mouvement républicain irlandais combat pour les résoudre?

A la première question, les prisonnières de guerre irlandaises ont répondu ceci : « les femmes qui vivent dans les six comtés occupés d’Irlande sont opprimées à la fois par un Etat impérialiste étranger et pat les idéologies sexistes qui répriment les femmes dans le monde entier ».

Quant à Bernadette Devlin McAliskey, elle a ajouté que « nous ne sommes pas opprimées seulement parce que nous sommes des femmes, mais aussi parce que nous sommes des femmes de la classe ouvrière, et enfin parce que nous sommes des femmes républicaines de la classe ouvrière ». Comme le remarque une activiste de Sinn Fein [provisoire] : « Ce n’est pas parce qu’un problème affecte les hommes qu’il n’affecte pas aussi les femmes ».

Mais qu’en est-il des problèmes qui concernent spécifiquement les intérêts des femmes? Est-ce que le mouvement républicain les prend aussi en compte dans son combat? Sinn Fein [provisoire] a produit un document approfondi qui explique ses positions en ce qui concerne les questions féminines. Il prend parti, entre autres, pour le divorce légal, pour une contraception libre et accessible, pour un conseil en matière de grossesse incluant tous les choix, pour la prise en charge de l’enfant par les deux parents, pour des crèches ouvertes 24h/24, et pour mettre fin aux rôles stéréotypés dans l’éducation et la publicité. En outre, de membres de Sinn Fein [provisoire] sont actifs dans les centres pour femmes et dans les campagnes pour le divorce, pour le planning familial, contre le viol et la violence conjugale.

La troisième objection adressée au républicanisme, qui consiste à dire qu’il ne s’agit pas d’un véritable mouvement du tiers-monde, a déjà été traitée dans cet article, au sujet du statut économique du pays, qui est celui d’un pays du tiers-monde. Beaucoup de gens se plaisent davantage à soutenir des mouvement de libération loin de chez eux, menés par des gens qui ne leur ressemblent pas physiquement ou parlent une autre langue, plutôt qu’un mouvement plus proche de leurs foyers.

La distance et le soupçon mutuel entre les mouvements féministes et républicains nuisent aux deux mouvements et à la libération des femmes en général. Comme l’explique la coordinatrice du Centre des Femmes de Falls Road [à Belfast-ouest] : « La droite n’a pas de problèmes lorsqu’il s’agit de s’unir pour défendre ses intérêts, en utilisant les distortions créées par l’impérialisme britannique pour nous diviser et dévier nos forces ». L’incapacité du mouvement des femmes à s’opposer réellement au courant conservateur actuel est attribué par Marron à « ce fractionnisme et cette peur ».

Aussi bien le mouvement féministe que le mouvement républicain ont beaucoup à offrir l’un à l’autre et au peuple irlandais.

D’après Nell McCafferty : « Jusqu’à aujourd’hui, il s’est avéré qu’il était plus facile de féminiser les républicains, qui ont beaucoup à gagner de l’inclusion des femmes dans la lutte, que de républicaniser les féministes, qui ont beaucoup à perdre si les intérêts des femmes sont totalement subordonnés à la résolution de la guerre.

Toutefois, l’expérience a montré que les luttes et révoltes sociales dans le monde n’ont été forcées de prendre des mesures pour résoudre les problèmes sexistes que lorsque le mouvement des femmes s’y est impliqué. (…) Le mouvement des femmes en Irlande fait face au défi de développer une théorie et une pratique au sujet du féminisme et de la guerre. L’implication active des femmes est impérative si les femmes doivent avoir, une fois la guerre résolue, la même liberté que les hommes libres. »