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La population de Mayotte, territoire sous domination de l’Etat français situé dans l’archipel des Comores, mène depuis trois semaines une lutte très dure ponctuée de manifestations, de grèves, d’émeutes et d’occupation d’usines et de commerces, jusqu’à la paralysie actuelle de l’île. Le mouvement avait débuté le 27 septembre dernier à l’initiative des syndicats mais a depuis largement dépassé les directions syndicales et s’est étendu pour devenir un mouvement de masse dont les revendications s’articulent autour de la baisse du prix des produits de première nécessité. Mais au-delà de la lutte contre la vie chère, c’est bien d’emprise coloniale française dont il est en question à travers la lutte des mahorais.

Les mahorais vivent un régime de quasi-apartheid économique, leurs moyens de subsistance traditionnels (agriculture vivrière, pêche côtière et hauturière) ayant été laminés par la globalisation, entraînant une dépendance toujours croissante vis-à-vis de la France, encore accentuée par la départementalisation récente. La vie chère est entretenue par le monopole de grands groupes capitalistes sur la grande distribution et l’importation de marchandises et la population est maintenue dans une dépendance économique étroite à travers un chômage massif : environ 35.000 salariés seulement pour une population de près de 200.000 habitants.

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Face à la lutte de la population mahoraise, l’Etat français déploie ses forces et réprime. La semaine dernière, un enfant de 9 ans a perdu un œil et mercredi c’est un manifestant de 39 ans qui est mort, officiellement d’un malaise cardiaque. Cette répression n’a pour unique but que de préserver les intérêts coloniaux de l’Etat français dans l’archipel, notamment du point de vue militaire et géostratégique en lui permettant de garder une présence dans l’Océan Indien tout en restant à proximité l’Afrique des Grands Lacs et, dans une moindre mesure, du Moyen-Orient.

 

Rappelons que Mayotte est devenue département et région française d’outre-mer (DOM-ROM) par un référendum de 2009 entré en application le 31 mars dernier. Le référendum a donné une quasi-unanimité pour la départementalisation (95,2%) suite à une campagne électorale totalement sous contrôle, notamment à travers la presse locale entièrement acquise à la défense des intérêts coloniaux de l’Etat français (en tête de laquelle Mayotte 1ère) et habile à jouer sur les peurs de la population mahoraise et à attiser les divisions au sein de l’archipel (mahorais contre non-mahorais). Or ce référendum est illégal, y compris du point de vue du droit international bourgeois, les Nations Unies ayant réaffirmés l’unité territoriale de l’archipel à travers une vingtaine de résolutions depuis 1975, date de l’indépendance des Comores.

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A travers cette départementalisation, c’est bien l’intensification de l’exploitation des mahorais dont il s’agit ainsi que l’extension du système colonial et des intérêts des métropolitains et des exploiteurs locaux qui tiennent les principaux leviers administratifs et économiques de l’île. En effet, l’intégration dans la république française et l’égalité tant vantées pendant la campagne référendaire n’est qu’un leurre et la Pacte pour la départementalisation de Mayotte prévoit bien que la majorité des prestations sociales seront appliquées, mais seulement partiellement et progressivement (le RSA le sera en janvier 2012, mais son montant sera 4 fois moindre qu’en France métropolitaine !) et les chômeurs non indemnisés. La départementalisation s’accompagne surtout d’une militarisation de l’île sous prétexte de lutter contre l’immigration « illégale » et la piraterie. Une immigration clandestine des comoriens et des africains continentaux fortement réprimée depuis l’instauration du visa Balladur-Pasqua en 1995 et dont l’application a causé la mort de 3.000 à 10.000 d’entre eux, noyés alors qu’ils tentaient d’accéder à Mayotte sur des embarcations de fortune. Des mesures qui, associées aux restrictions commerciales avec le reste de l’archipel, ne font que renforcer l’isolement de Mayotte et la mainmise des monopoles sur son économie.

Mais ce qui se trame c’est aussi une formidable spoliation des terres mahoraises par les promoteurs, les capitalistes et les fonctionnaires d’Etat. La régularisation foncière à l’œuvre avec la départementalisation prévoit ni plus ni moins que les mahorais habitant la zone côtière devront racheter le titre de propriété des terrains qui leurs appartenaient de fait. En clair, cela revient à exproprier des milliers de mahorais et à transférer la propriété foncière à ceux qui ont les moyens de racheter ces titres… à un prix déterminé par France Domaine, un service de l’Etat !

Breizhistance – Indépendance et Socialisme apporte son soutien internationaliste à la population mahoraise contre le système colonial français et pour la dignité. Nous dénonçons également le black-out total de la presse française sur la lutte de la population mahoraise alors qu’elle avait complaisamment relayé le référendum illégal de 2009.

(1) Mais Mayotte fut aussi une solution bien commode quand il s’agit de trouver un point de chute à des réfugiés hutus rwandais après 1994, des génocidaires mais néanmoins amis de la France…