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Pour une stratégie de réappropriation linguistique qui ne soit pas basée sur le parlementarisme parisien et les institutions françaises !

Nous tenons tout d’abord à féliciter les organisateurs de la manifestation du samedi 13 mars à Kemper. Réussir à mobiliser plus de 5000 personnes en une semaine, qui plus est dans le contexte sanitaire actuel, est un tour de force. Et cela à peine 15 jours après celle de Brest qui avait rassemblée en 3 jours 2000 personnes pour défendre les dotations horaires en langue bretonne dans les collèges Diwan.

Elles sont parmi le plus grandes manifestations de défiance à l’endroit du pouvoir central de LREM dans un contexte de pandémie et de repli sur soi, de restrictions. Ne boudons pas notre plaisir.

 

 

C’est un signal de défiance populaire envoyé à l’encontre d’un gouvernement pourfendeur de l’éducation et peu enclin à faire évoluer la place de la langue bretonne dans notre société, notamment par le biais de la convention Etat-Région. C’est ce socle populaire qui doit être amplifié et sur lequel il faudra s’appuyer pour créer une nouvelle stratégie afin de gagner nos droits. Nous ne sommes pas d’accord sur la place disproportionnée donnée samedi à la tribune aux députés, et à un degré moindre celle des de certains élus de la Région Bretagne. C’est le signe d’une stratégie basée majoritairement sur la seule compétence des députés pour gagner le combat, cette stratégie a un nom, c’est le parlementarisme parisien. Pourquoi s’interdire de construire d’autres stratégies ? Qu’avons-nous gagné par cette méthode depuis 40 ans ?  Des miettes, bien loin d’être à la hauteur des enjeux pour sauver une langue en danger de mort. L’histoire contemporaine de la langue bretonne prouve que la stratégie du parlementarisme choisie par  les organisateurs Diwan, Div Yezh, Divaskell, Kelennomp et Kevre Breizh est vouée à l’échec. Le temps du parlementarisme parisien est révolu. Demander l’aumône envers l’État Français et l’utilisation de ses institutions d’un autre temps est une voie sans issue. 

Les victoires obtenues depuis bientôt un demi-siècle sont le fruit des mobilisations populaires, associatives et syndicales. La création de Diwan en 1977 ne doit rien à l’État, son ancrage dans l’enseignement non plus. Les avancées dans l’enseignement bilingue entre les années 1980 et les années 2000 sont le fait du collectif UGB (Unvaniezh ar gelennerien brezhoneg), l’Union des enseignants en langue bretonne, et des syndicats étudiants tels que USB (Unvaniezh ar studierien brezhoneg) Dazont : développement de l’enseignement bilingue public et privé, création du CAPES de breton en 1985 ou encore le DEUG de breton en 1989. Le développement de la signalétique routière bilingue s’est fait grâce au rapport de force établi par les militants de Stourm ar Brezhoneg dans les années 1980-2000 puis d’Ai’ta dans les années 2010. 

La palme d’or de la stratégie parlementariste revient sans conteste au député LREM de Guingamp, Yannick Kerlogot, accompagné des députés LREM Annaïg Le Meur (Quimper) Graziella Melchior (Landivisiau-Lesneven),  Didier le Gac (Landerneau-Plabennec) et de la sénatrice LREM du Finistère Nadège Havet. Comment les organisateurs ont-ils pu accorder la parole à la tribune au représentant d’un gouvernement qui a voulu supprimer des heures d’enseignement en breton dans les collèges Diwan ? Car si le soldat Kerlogot a parlé « d’erreur administrative » pour voler au secours de Blanquer, la réalité est toute autre. Si erreur administrative il y avait eu, l’Education Nationale aurait fait machine arrière. Que nenni. C’est le Rectorat de Rennes qui financera les heures que l’Education Nationale a supprimé, dans leur droite logique d’économies budgétaires à tout va. Mais ça, les députés LREM ne vous le diront pas. Comment les organisateurs ont-ils osé donner la parole à celui qui assure le service après-vente de Blanquer ? Un député qui prétend défendre l’éducation et la langue bretonne mais ne manque jamais une occasion de défendre le ministre Blanquer et son travail de sape, souvent sournois. Jugez vous-même : l’obtention des cours de breton enseignés par le CNED dans le second degré est présentée comme une avancée, alors que cela permettra d’économiser des heures d’enseignement et donc des postes. L’enseignement de la langue bretonne dans les écoles n’échappe pas à cette logique de rentabilisation de l’éducation quand le budget du ministère de l’Intérieur et celui des Armées continue lui de croître pour assurer la sacro-sainte sécurité et vendre des armes de guerre. Ainsi, les regroupements de plusieurs niveaux de classes au collège sont devenus monnaie courante et le nombre de postes au CAPES de breton stagne depuis des années matière. Les conditions de travail des enseignants de breton dans le premier et le second degré se dégradent : fermeture de classes et regroupements de niveaux (jusqu’à 5 ou 6 niveaux ! ) dans le premier degré, non-titularisation sur un poste par la systématisation des TZR (titulaire en zone de remplacement) dans le second degré pendant des années, enseignement de disciplines non linguistiques (histoire-géographie ou mathématiques par exemple) en français et non en breton toujours dans le second degré. Le dialogue social se dégrade fortement avec le gouvernement Macron, puisque les syndicats ont été boutés hors des commissions paritaires pour les ajustements de postes. Ce coup de poignard dans le dos met souvent en danger les filières bilingues par la création de postes ne tenant pas compte des spécificités de l’enseignement bilingue.

Enfin, quelle légitimité à Kerlogot à se poser en défenseur de la langue bretonne quand ses  proches soutiens dans le pays de Guingamp — à l’instar  de Rémy Guilloux, maire de Plouisy — ne verse pas le forfait scolaire aux élèves de sa communes allant à l’école Diwan de Guingamp. Tout comme ne le fait pas Laurence Corson, élue au Merzer (toujours prés de Guingamp) mais aussi colistière de Yannick Kerlogot, avec qui elle a été élue au Conseil Départemental des Cotes d’Armor. 

 

Afin d’occuper le terrain médiatique pour promouvoir son projet de loi, le député Paul Molac était présent à la manifestation de Quimper, et c’est d’ailleurs sans doute lui-même qui l’a suscitée. A l’instar du député Kerlogot, une place de choix lui a été réservée à la tribune par les organisateurs, confirmant la stratégie de parlementarisme choisie pour gagner nos droits linguistiques. 

La proposition de loi définit « trois domaines dans lesquels des mesures de protection et de promotion des langues régionales peuvent être apportées : le patrimoine, l’enseignement, les services publics via la signalétique et les actes d’état civil. ». La réforme Blanquer qui met à mal l’enseignement du breton et en breton n’est pas remise dans la proposition de loi, les perspectives de recrutement préalable au développement de l’enseignement sont inexistantes. Le volet ayant trait aux services publics est louable mais fort incomplet. Enfin, nulle part le statut de la langue n’est abordé. Si Paul Molac se trompe sur les objectifs à atteindre, il nous tire une balle dans le pied avec l’utilisation du terme « régional » pour définir  la langue bretonne. Nous ne sommes ou ne seront pas des locuteurs de langue régionale mais des locuteurs. D’ailleurs, que veut dire « langue régionale », alors même que la Loire-Atlantique n’est pas dans la région administrative Bretagne, bien que la langue bretonne y soit également présente ? Pourquoi cette incessante classification entre les langues ? Un complexe d’infériorité en opposition à la langue française que nous parlons toutes et tous ? Il faut assumer et revendiquer un statut égal pour la langue  bretonne, qui ne verra jamais le jour sans construction politique. Si Paul Molac se trompe sur les objectifs, il fait également fausse route sur la méthode. La loi ne doit pas être un but sorti d’un artifice institutionnel sclérosé mais un outil à construire par un rapport de force populaire. Les ouvriers en lutte au 19e siècle ont-ils attendu les lois autorisant le droit de grève en 1864 et les syndicats en 1884 pour arrêter le travail et se regrouper ? Les femmes ont-elles attendu la loi Veil en 1975 pour avorter ? Les homosexuel·le·s ont-ils/elles attendu la loi sur le mariage pour tous en 2013 pour vivre ensemble ? Youenn Gwernig chantait « les droits qu’on a ça s’demande pas, les droits  qu’on a les prendra ! ». Paul Molac et les afficionados du parlementarisme parisien se trompent encore quand ils placent leur confiance en l’institution. Si les députés français se sont fait berner en première lecture du fait de leur absentéisme récurrent, il y a fort à parier, médiatisation aidant, que le rappel des troupes soit battu par la majorité jacobine et ses alliés idéologiques allant de la France Insoumise au Rassemblement National. Une majorité des députés contre le projet de loi en 2e lecture et il rejoindra la liste de ceux ayant fini avant lui dans les poubelles de l’Assemblée Nationale française. 

Les directions de Diwan, Div Yezh et Div Askell, en se basant sur le seul calendrier parlementaire, semblent prendre le risque de se retrouver sans perspectives stratégiques suite à l’échec de l’initiative Molac.

Une fois de plus, le discours réformiste visant à œuvrer pour un remodelage des lois françaises aura pompé toutes les énergies en dégageant les élus locaux de toutes responsabilités. Cela aura un effet démobilisateur.

Les manifestants de Brest et Kemper doivent profiter de leur capacité à mobiliser rapidement pour faire pression localement contre les politiques d’austérité et de mépris de la langue bretonne des élus locaux et ce en priorité.

Nos faiblesses sont aussi dues au fait que les forces militantes des salarié.e.s de la langue bretonne sont dispersées dans des petits syndicats appartenant à des grandes centrales. Peu sont syndiqués et ces salariés ne sont donc pas autonomes pour faire entendre leurs point de vue face aux errements des directions de leurs filières. 

La question de la création d’un Syndicat Unifiée des Travailleurs de l’Enseignement et de la Culture Bretonne doit revenir à l’ordre du jour.

Loig Chesnais-Girard, président de la Région Bretagne, était lui aussi aux premières loges à Quimper. C’est d’ailleurs lui qui a mis le feu aux poudres en rendant public les blocages avec le ministère de l’Education Nationale sur la signature de la Convention Etat-Région. Info ? Intox ? Le contexte électoral et ses dissensions avec LREM, composante de sa majorité à la Région, peuvent laisser à penser qu’il a freiné des quatre fers pour parapher la Convention et mettre ainsi en difficulté LREM. Quoi qu’il en soit, et malgré la bonne volonté de Lena Louarn, vice-présidente en charge des langues de Bretagne, force est de constater que les avancées consécutives à la politique linguistique régionale sont faibles. Il est loin d‘être à la hauteur des enjeux. Mais comment peut-il en être autrement quand on sait que le budget alloué est de 7,5 millions d’euros, soit 2,26 € par an et par habitants. A titre de comparaison c’est 8,7 € par an et par habitant en Corse et au-delà de 20 € par an et par habitant au Pays de Galles, dans la Communauté Autonome Basque et au sein de la Generalitat de Catalogne. C’est la nature même de l’institution qu’il convient de changer car à moins de croire au miracle elle ne pourra faire grand-chose de plus avec de tels moyens.  Un transfert de compétence en matière de politique linguistique serait une première avancée. Force est de constater que ça ne figure pas dans les priorités de la majorité régionale ni dans les intentions programmatiques des candidats aux élections régionales devant se dérouler cette année.  

Le parlementarisme parisien et les institutions françaises n’ont rien apporté — ou si peu — à la langue bretonne en presque 50 ans de lutte. La Gauche Indépendantiste se veut force de proposition pour créer une nouvelle dynamique nous conduisant à conquérir nos droits. Les droits linguistiques inhérents à ceux de chaque peuple. N’est-ce pas la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 qui dans son article 2 dit que «  Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de […] de langue […] ».

La langue bretonne ne sera sauvée que par la lutte continue et assumée pour un pouvoir politique breton et l’officialisation de la langue bretonne. Pas un intervenant ne l’a évoqué à Quimper le 13 mars dernier. 

La crise du Covid-19 a mis en lumière aux yeux de l’opinion publique la nécessité de relocaliser les décisions. C’est plus qu’une décentralisation au bon vouloir de Paris ou des élu·e·s du Conseil Régional de Bretagne que nous souhaitons : nous voulons construire un pouvoir politique breton pour élargir les compétences. Ailleurs en Europe les peuples s’organisent pour décider de leur avenir, comme en Écosse ou en Catalogne. En Bretagne, cela permettra aux bretonnes et aux bretons de participer directement aux décisions.  De toute part la question d’une démocratie plus proche de la population se fait entendre, que ça soit au niveau de la santé, de la réunification de la Bretagne, de l’égalité femme/homme, de l’environnement, des services publics. Il doit en être de même sur les questions linguistiques. Le droit de décider et la question du référendum en Bretagne commence à réapparaître dans les débats publics, notamment dans les institutions du Conseil Régional de Bretagne, au Conseil Municipal de Nantes ou celui de Rennes. C’est le reflet d’une volonté populaire forte qui ne se traduit pour l’instant que par des promesses. L’abstention aux élections et le succès honorable de certaines listes citoyennes aux élections municipales de 2020 interpellent le modèle démocratique actuel. Cela montre une volonté de changement fort. C’est pourquoi il faut aller plus loin en faisant progresser l’idée de l’organisation d’un référendum pour décider de Brest à Clisson. Cette consultation devra permettre de choisir quelles compétences (notamment législatives et fiscales) nous voulons ici en Bretagne. 

Le changement de statut de la Bretagne est indispensable dans la conquête de nos droits. Faut-il rappeler, par exemple, que le statut de Collectivité Territoriale en Corse — donnant des compétences propre à l’île de Beauté — permet une politique linguistique plus ambitieuse ? Le rapport de force avec l’État est singulièrement différent selon le statut du territoire en question, comme nous le prouve l’actualité. Mise en marche en janvier dernier, la réforme du CAPES par Blanquer compte modifier les modalités du concours du CAPES de langue corse. La première mouture prévoyait de faire la part belle à la langue française lors des épreuves : les coefficients des épreuves en langue corse seraient passés de 7 à 4 et les coefficients des épreuves en langue française de 4 à 8. Après deux mois de bras de fer,  le ministre a ainsi assuré “un coefficient de 8 sur 12 de matières passées en langue corse”. Comment sérieusement envisager faire évoluer de manière drastique les conditions d’enseignement du breton, bilingue ou immersif, au sein du système pyramidal et ultra-centralisé de l’Education Nationale ? C’est pot de terre contre pot de fer. 

Pour conclure, nous devons avoir des objectifs clairs pour la langue bretonne :

Dans le domaine de l’enseignement, le statut de l’enseignement immersif doit être renforcé et ce mode d’enseignement développé. Les élus ne versant pas le forfait scolaire à Diwan doivent être combattus, dénoncés et marginalisés. Le CAPES de breton, à l’instar du CAPES de corse, ne doit plus être bivalent. C’est une discrimination à l’égard des enseignants en langue bretonne devant enseigner deux matières. C’est une discrimination à l’égard des étudiants préparant le concours et devant assimiler deux programmes au lieu d’un. Il faut créer des CAPES bivalents s’adressant aux spécialistes des matières (histoire-géographie, sports, musique, etc.) afin de ne plus se retrouver avec des enseignants formés sur le tas. Le nombre de postes au CAPES n’excède quasiment jamais 2 depuis des décennies ! Il faut une hausse significative afin de pouvoir accompagner un développement de l’offre d’enseignement mais aussi pouvoir remplacer les personnels partant en retraite. Si ce n’est pas le cas, le nombre d’enseignants va diminuer, et l’enseignement avec. Les mêmes objectifs doivent être fixés pour l’enseignement dans le 1er degré, pour les mêmes raisons : multiplier par deux le nombre de postes aux concours de recrutement. 

 

Pour en revenir à la Convention État-Region sur la Transmission des langues de Bretagne et leurs usages dans la vie publique : il convient aussi de constater que peu d’acteurs du mouvement linguistique et culturel breton semblent l’avoir lue dans son ancienne version, tant les propositions qui émanent maintenant ne concernent que l’enseignement, révélant par là même le manque de culture politique socio-linguistique de cette mouvance.

Une langue ne se transmet pas qu’a l’école. Dans la société post-industrielle des loisirs dans laquelle nous vivons elle doit trouver toute sa place dans les sports, les loisirs, les distractions…

Si l’ancienne version de la convention permettait la création de centre de loisirs en langue bretonne, elle ne fléchait pas les financements des collectivités locales. Un centre de loisirs ouvert les mercredi et pendant les vacances permet d’offrir près de 400 heures de langue bretonne par an aux enfants le fréquentant. 

 

Enfin nous sommes pour une vigilance accrue quand l’application effective de cette convention en Loire-Atlantique, qui dépend d’une autre Académie, et où par exemple l’école Diwan de Saint-Herblain n’est toujours pas sous contrat (et donc à la charge du réseau), malgré le fait qu’elle remplisse tous les critères d’ancienneté. 

La convention État-Région signée en 2015 avait été validée par le recteur de l’Académie de Rennes, ainsi que par les présidents des Universités de Rennes et de Brest : il serait judicieux que celle qui sera signée prochainement intègre également l’Académie de Nantes et l’Université de Nantes. Enfin, il serait bien que le Département de Loire-Atlantique et d’autres collectivités locales (Métropole de Nantes par exemple) s’associent aussi aux discussions concernant cette convention qui sera signée avec l’État, afin de développer une convention qui permette le développement des pratiques et de la transmission de la langue bretonne sur l’ensemble de la Bretagne.

 

 

 

 

La langue bretonne doit changer de statut et devenir co-officielle.  Si cela permettra bien sûr une reconnaissance institutionnelle de notre langue, elle permettra de fait un développement des moyens lui étant consacrés dans la sphère publique. En Irlande, où  le gaëlique est officiel, la signalétique routière bilingue est généralisée, de même que le bilinguisme écrit au sein des services publics et le bilinguisme oral par le biais de formations continues des salariés. L’usage écrit et oral du breton doit être obligatoire également dans le domaine des transports. L’usage de la langue bretonne doit être un critère d’éligibilité aux subventions (toutes thématiques et tous demandeurs : entreprises, collectivités, associations). L’usage du breton par les entreprises doit être un critère de notation dans les marchés publics.

Dans le domaine des médias, nous devons avoir une radio publique et une chaîne de TV publique en langue bretonne. Il sera nécessaire d’accroître le soutien aux développements des radios locales émettant en langue bretonne (Radio Kerne, Radio Kreiz Breizh, Radio Bro Gwened, Radio Arvorig, et Radio Naoned), notamment en ce qui concerne les ouvertures de fréquences (FM ou radio numérique DAB+) qui auront lieu dans les prochains mois et années sur l’ensemble de la Bretagne. En effet, de nouvelles fréquences gagnées permettront à beaucoup de nouvelles personnes d’écouter les émissions en breton plus facilement au quotidien, mais signifieront aussi un coût annuel très important pour les radios associatives, pour chaque nouvelle antenne ouverte. Ces coûts devront être en partie pris en charge par les collectivités, tout comme la formation de plus de professionnels pouvant travailler dans ces radios.

La convention qui sera signée d’ici quelques temps devra prendre en compte les éléments qui ont été mentionnés dans ce texte (et sûrement d’autres), et faire participer l’ensemble des acteurs et actrices qui font vivre la langue bretonne au quotidien.

Nous devons rapidement et collectivement nous donner d’impulser une stratégie de réappropriation linguistique qui ne soit pas basée sur le parlementarisme parisien et les institutions françaises ! Brezhoneg ofisiel !

 

War-Sav Pour l’Organisation de la Gauche Indépendantiste.

 

Le Non à l’indépendance de la “Nouvelle-Calédonie” l’a donc emporté avec 56,7% des voix (78.734 votes) contre 43,3% (60.199 votes) pour le Oui. Notre camarade Gael Roblin réagit à titre personnel au résultat.

Ainsi donc il y aurait eu un référendum d’autodétermination en Kanaky il y a quelques jours. C’est ce que l’on peut entendre dire ou lire ici et là, surtout en métropole j’imagine. Pendant deux mois, pas un mot sur le scrutin dans les grands médias français et depuis quelques jours de nombreux éditorialistes ont fait campagne pour le “Non” à l’indépendance qui avait toutes les chances de l’emporter.

En Bretagne, nous avons eu droit au matraquage de nos quotidiens qui ont apporté leur soutien à la France impériale. Ouest-France a ainsi donné la parole en une au point de vue du député LR de la Manche Philippe Gosselin, membre de la mission sur la Nouvelle-Calédonie célébrant le “génie institutionnel” (sic) de la France et faisant comprendre que cette dernière comptait bien garder son contrôle sur cette partie de ses colonies quoi qu’il advienne. Il y appelait à des relations néo-coloniales si l’indépendance était votée le 04 novembre malgré une majorité écrasante de colons. Rappelons que Ouest-France est le premier quotidien régional en terme de lectorat.

La très partiale Christine Clerc plumitive dans la presse réactionnaire (Figaro etc…) a eu droit à une tribune ultra colonialiste puant l’Algérie Française dans le Télégramme, dans lequel elle se réjouissait de la progression de la politique d’assimilation en Kanaky, vantant le bonheur d’être français pour progresser socialement et prédisant des violences urbaines imputables à de jeunes Kanaks en cas de victoire du “Non”.

La suffisance impérialiste, la franchise du très sale soutien de Christine Clerc et Philippe Gosselin qui défendent les intérêts de leur classe de parasites, à l’apartheid et au colonialisme français n’a rien d’étonnant. Mais la dépolitisation ambiante a aussi amené des forces “autonomistes” ou “régionalistes” à voir dans le scrutin du 04 novembre un référendum d’autodétermination, en témoigne cet étrange communiqué de la Fédération Régions et Peuples Solidaires qui fédère les forces bretonnes, basques, corses, occitanes et alsaciennes se réclamant de l’autonomisme et du régionalisme… Ce communiqué signé Roccu GAROBY affirme “il appartient désormais aux  Néocalédoniens eux-mêmes et à personne d’autre, de choisir entre deux projets de société” et est intitulé “Référendum en Nouvelle-Calédonie, un vote d’autodétermination enfin !”. Par trois fois c’est le terme “Néo-Caledonien” qui est utilisé — et il n’est pas neutre — et son utilisation prouve bien qu’il ne s’agissait pas d’un référendum d’autodétermination le 04 novembre, mais plutôt d’un référendum de “co-détermination”.

Car la question posée était : « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? ». “Nouvelle-Calédonie” et pas “Kanaky” et c’est là que le bât blesse.

Raphael Constant, militant anticolonialiste Martiniquais et avocat, a signé une brillante tribune sur le portail  “Montray Kreol” intitulé : “la supercherie de la consultation du 04 novembre” où il affirme “l’accord en lui-même reconnait le droit aux colons de s’exprimer sur l’avenir de la colonie, ce qui est exactement le contraire du droit à l’autodétermination. En fait, les Caldoches, installés par la violence, voient leur présence et domination entérinées par ceux qu’ils ont exploités et pillés pendant plus d’un siècle.”

La souveraineté de la Nouvelle-Calédonie n’est pas le droit à l’indépendance de Kanaky !

Bien sûr, beaucoup de forces historiques de l’indépendantisme Kanak membre du FLNKS ont appellé à voté “OUI” au scrutin et visiblement ils ont été entendus par de très nombreux jeunes, la victoire du NON étant moins écrasante que prévue. De ce point de vue le score du “OUI” témoigne d’une persistance remarquable de la conscience nationale Kanak malgré la violence de la terreur coloniale qui règne sur Kanaky depuis 1860. Mais les indépendantistes de l’USTKE (Union Syndicale des Travailleurs Kanaks et Exploités) et du Parti Travailliste de Kanaky qui avaient appelé à la non participation n’ont pas moins fait preuve d’une telle conscience particulièrement aiguisée.

Mina Kherfi, représentante du PT en métropole de passage à Nantes (en Bretagne) à l’université de la Gauche Indépendantiste Bretonne fin septembre, affirmait que c’est parce que c’est la puissance coloniale française qui délimite le corps électoral, et qui détermine la question posée en imposant le concept de Calédonie à celui de Kanaky que le PT et l’USTKE appelait à la non participation.

La question de la non-inscription d’office de milliers de Kanaks sur les listes électorales — donc privés de droit au scrutin — a aussi été un argument pour la non participation.

Rock Haocas, membre du Parti travailliste et secrétaire confédéral en charge de la communication et des relations extérieures de l’USTKE ne disait pas autre chose sur le site du NPA quelques semaines après, en insistant sur les conditions de vie désastreuses des Kanaks du point de vue social et le caractère “insincère” des listes d’inscrits.

Et, visiblement, là où ces forces sont implantées comme à Ouvéa, le taux de participation s’en est ressenti.

Si le peuple Kanak est devenu minoritaire sur son territoire c’est dû au colonialisme. Dans les zones, les communes où il est majoritaire le “OUI” à l’indépendance est majoritaire.

C’est tellement évident que Phillipe Gomes, leader d’un parti anti-indépendance Calédonie Ensemble, déclare que l’hypothèse d’un vote favorable à l’indépendance est « strictement impossible. Tous les scrutins ces 20 dernières années donnent les listes non-indépendantistes majoritaires avec près de 60 % des voix et les listes indépendantistes avec 40 % des voix. Sur les 169 000 électeurs, on a 92 000 électeurs non-kanak et 77 000 électeurs kanak. Le rapport de force est défavorable à ceux qui portent la revendication de l’indépendance

L’indépendantiste Martiniquais Raphael Constant résume les faits ainsi : “Le seul exercice du droit des peuples consisterait à ne consulter que le peuple dominé qui a été spolié, le peuple kanak“, pas les colons composante du “peuple calédonien”.

Certains leaders indépendantistes Catalans dénonçant avec raison la violence espagnole contre la tenue de leur référendum auto-organisé de 2017 ont même parait-il loué les conditions dans lesquelles se déroulaient la consultation en Kanaky. Mais sans doute ne savent-ils pas que ce vote s’est déroulé suite aux accords de Nouméa de 1988, mis en place comme le rappelle toujours Raphael Constant : “suite au massacre de Hienghène en 1984 où 10 Kanaks (dont deux frères du Président Tjibaou) sont tués par des Caldoches. Les assassins seront acquittés par la justice française. Souvenons-nous de l’assassinat d’Eloi Machoro, le chef militaire de la branche militaire du FNLKS, par le GIGN en janvier 1985. Assassinat resté impuni. Souvenons-nous du massacre de la grotte d’Ouvéa où les militaires français ont achevé 19 Kanaks en toute impunité. “

Ce vote est le résultant d’un compromis de co-détermination entre une partie des nationalistes Kanaks, défaits militairement et acceptant à partir de 1988 par les accords de Nouméa de participer à la gestion d’une des trois provinces, et le congrès qui compose ce que le pouvoir français présente comme la Nouvelle-Calédonie. Même wikipédia nous l’explique avec beaucoup de clarté, parler de Peuple Caledonien c’est parler  de “La citoyenneté néocalédonienne ou citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie  qui est une qualité juridique particulière au sein de la Nationalité Française“. On est bien loin du concept de droit à l’autodétermination.

Il n’est pas inexact de parler de codétermination car les accords de Matignon en 1988 — qui ont aboutit au référendum de 2018 — ont été validés par “le peuple français” par le référendum de novembre 1988 (oui un vote en métropole sur la Kanaky !). À la question : « Approuvez-vous le projet de loi soumis au peuple français par le Président de la République et portant dispositions statutaires et préparatoires à l’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998 ? », 80 % des suffrages exprimés furent positifs, la participation faible (37 %). Les blancs et nuls ne représentèrent que 12 % des votes.

Il y a donc bien deux agrégats (deux électorats) distincts, aux intérêts antagoniques, l’un dominant, l’autre issu de la colonisation qui ont été consultés.

L’Irlande, un autre cas de co-détermination.

En 2016, avec un autre camarade, j’ai contribué a publier en français un brillant essai politique de Liam O Ruairc intitulé “Paix ou Pacification ? L’irlande du Nord aprés la défaite de l’IRA” et la relecture de cet ouvrage aux lendemains de la “consultation” en Kanaky peut nous éclairer, nous servir à déterminer ce qui relève de l’exercice du droit à l’autodétermination et ce qui n’en relève pas. Il y rappelle tout d’abord que le droit à l’autodétermination est un acte de libération à caractère révolutionnaire, de part ses origines dans le mouvement ouvrier, qu’à ce titre ce concept est lié aux luttes des peuples colonisés pour leur émancipation nationale. Si le droit à l’autodétermination d’un point de vue juridique a été soulevé par la communauté internationale pour le Timor Oriental ou la Palestine, il ne l’a jamais été pour l’Irlande. Car le poids international de la puissance internationale de la monarchie Britannique lui a permis de présenter le conflit nord Irlandais comme un problème essentiellement domestique en l’empêchant de devenir un problème juridique à l’échelle internationale.  C’est très précisément le tour de force que vient de réussir le pouvoir français avec ce concept de citoyenneté calédonienne. Le légitimer, le renforcer en parlant d’autodétermination  néo-calédonienne pour ce vote n’est pas très dé-colonial.

Liam O Ruairc citant Amy Maguire dans la Griffith Law Review en 2013, ajoute “Le droit international reste insuffisamment décolonisé : ce que des études récentes ont souligné au sujet de l’Irlande du Nord ou des aborigènes d’Australie par exemple une lecture “contre hégémonique” de ce que le droit international entend par colonialisme et autodétermination est nécessaire dans ces deux cas, qui montrent qu’au 21e siècle la décolonisation reste un projet inachevé”.

Mina Kherfi, représentante du PT et adhérente USTKE, a expliqué la position de non-participation de ces deux formations pour ce référendum en détaillant des faits sociaux :

  • taux de chômage chez les Kanaks : 26 % contre 7 % chez les non-Kanaks ;
  • 57 % des non-diplômés sont Kanaks : on compte seulement 6 % de diplômés de l’enseignement supérieur chez les Kanaks
  • 85 % des chefs d’entreprise et 75 % des cadres supérieurs sont des métropolitains ; par contre 75 % des ouvriers sont Kanaks.

Une violence sociale forte envoyant des jeunes kanaks en nombre derrière les barreaux (90 % de la population carcérale est d’origine kanak, des faits principalement dus à l’alcool), un taux de suicide inquiétant, l’échec scolaire, le chômage, les jeunes sont écartelés entre les valeurs coutumières et le monde occidental et peinent à trouver leur place dans une société dominée par les Européens et l’argent.

Voila une démonstration simple et chiffrée prouvant bien que la Kanaky est encore et aussi une colonie au 21e siècle.

Mais revenons en à l’Irlande. En 1998, suite aux accords du Vendredi Saint, les Irlandais furent invités en deux fois à voter sur deux questions différentes pour valider ces accords mettant fin à une phase du conflit provoqué par l’occupation de l’Ile (qui perdure). Au nord les électeurs ont voté “Oui” à la question “Approuvez vous l’accord issu des négociations entre les différents partis sur L’Irlande du Nord” et au sud “Approuvez vous la loi de 1998 sur la 19ème modification de la constitution“. Même Gerry Adams, chef du Sinn Fein et artisan de cet accord, s’accorde à dire que ce n’est pas un référendum d’autodétermination. Comment qualifier de tel un processus de vote mené sur la base de la définition des corps électoraux par des oppresseurs et non par les seuls opprimés !

Jonathan Tonge, ex-président de l’association des politologues britanniques, se livre à propos des votes au nord et au sud de l’Irlande à ce constat : “étant donné que la préférence de l’agrégat (de l’électorat Irlandais dans son ensemble) se porte vers l’unité irlandaise il est pour le moins douteux de considérer comme un acte d’autodétermination un référendum qui exclut précisément cette option“.

Pour paraphraser Jonathan Tonge, j’affirme que ce qui fonde l’action nationaliste Kanak c’est le refus du colonialisme français, de l’assimilation et c’est l’affirmation de cette conscience nationale Kanak qui s’est manifesté sous bien des formes, c’est l’affirmation résistante du droit du seul peuple Kanak à la libre disposition de son territoire. Étant donné que la préférence du seul peuple Kanak ayant voté ou n’ayant pas participé au vote du 04 novembre est majoritairement favorable à l’exercice décolonial et contre hégémonique du droit à l’autodétermination et à la libre disposition de son territoire, il est pour le moins douteux de considérer comme un acte d’autodétermination un référendum qui exclut précisément cette option. Le seul sujet politique légitime pour un référendum d’autodétermination c’est le peuple opprimé !

En guise de conclusion provisoire.

Il est difficile d’être un bon allié non paternaliste des Kanaks ou des autres peuples sous domination française hors métropole et de ne pas reproduire de comportement coloniaux de gauche lorsque l’on milite soi même au sein de la métropole impérialiste.

On peut essayer d’être un allié internationaliste en refusant de porter les valises sémantiques de l’impérialisme français, qu’en tant que révolutionnaire de l’hexagone on doit combattre et dénoncer. Cela veut dire qu’il faut expliquer que ce référendum ne correspondait pas à l’exercice du droit à l’autodétermination. C’est aux Kanaks de dire qui doit voter, où et quand on doit voter, et quelle est la question posée.

Nous avons à apprendre des Kanaks et non l’inverse.

Les Bretons, les Basques, les Catalans du Nord, les Corses, les Occitans et tous les autres qui veulent légitimement plus de souveraineté pour leur territoires en métropole (qui ne sont pas des colonies mais des nations sans état) devraient cesser de réfléchir dans le cadre étroit du droit français, de la loi NoTre, du droit d’option et de la réforme territoriale et des autres fariboles régionalistes inventées par ceux qui ont spoliés le peuple Kanak de son droit à décider.

Le droit à l’autodétermination ne se quémande pas il s’exerce.

Vive Kanaky indépendante et socialiste !

Gael Roblin militant communiste révolutionnaire de la Gauche Indépendantiste Bretonne.