Archive

janvier 5, 2018

Browsing
 
Quand un membre important de Produit en Bretagne défiscalise son entreprise en Grande Bretagne… une affaire qui illustre bien l’attitude ambigüe des patrons sur la Bretagne, dont ils parlent avec des tremolos dans la voix, surtout quand elle leur rapporte, mais sans rien dépenser pour l’émanciper.
Situé à Saint-Agathon, dans la périphérie de Guingamp, le cabinet Setti s’est fait une bien curieuse spécialité : celle de créer des sociétés en Grande-Bretagne. Passer la Manche permet quelques avantages. Le gérant échappe aux cotisations du RSI, ce qui peut constituer une jolie économie chaque année. De plus, en cas de contrôle Ursaaf ou fiscal, c’est la société qui est visée, mais pas son ou ses actionnaires. Ces derniers peuvent donc organiser leur insolvabilité.
Setti a ainsi « déménagé » plusieurs centaines d’entreprises, particulièrement en basse Bretagne. Selon un expert-comptable local : « c’est la défiscalisation pour de pauvres gens, qui n’ont pas les moyens ou l’idée de faire appel à un avocat spécialisé. Franchement, même en restant en France, il y a des moyens plus performants que çà. »
La plupart des clients de Setti sont en effet des artisans ou des petits commerçants qui n’emploient pas ou peu de salariés. A une exception notable, deux entreprises, Menthe poivrée et Ad Augusta, dont le principal actionnaire est Jacques Fitamant. Un nom qui n’est pas inconnu.
 
Culture bretonne offshore ?
A la tête de quelques magazines professionnels, notamment dans l’agroalimentaire, Jacques Fitamant est aussi l’éditeur de l’ancienne revue de référence Ar Men qu’il a racheté en 2003. Un beau coup à l’époque pour quelqu’un qui n’a jamais forcément brillé par sa culture. Depuis, il n’a guère cherché à développer le titre dont la chute des ventes s’est brutalement accélérée dans les années 2010. Depuis quelques années, la revue peine à retrouver des lecteurs déroutés par un changement de ligne éditoriale qui privilégie désormais l’esthétique au fond.
C’est sans doute Ar Men qui a permis à Jacques Fitamant d’intégrer Produit en Bretagne. Émanation de la bourgeoisie bretonne, cette association de patrons œuvre officiellement pour la relocalisation de l’emploi en Bretagne et défend des valeurs éthiques. Avec Jacques Fitamant, c’est réussi puisqu’il a choisi le moment où il présidait le collège « Culture et création » pour se défiscaliser… en Grande-Bretagne, où cet employeur condamné aux prudhommes risquait sans doute moins gros…
Alors que depuis des années, on ne cesse de nous en raconter sur les lobbys des patrons bretons, leur puissants réseaux et clubs. Alors que depuis des années, les plus médiatiques d’entre eux multiplient les déclarations fracassantes sur l’indépendance ou la régionalisation, le cas Fitamant illustre en fait le vide politique intersidéral du patronat breton. La Bretagne n’apparaît plus que comme un argument marketing qui permet de se faire plus d’argent qu’on optimise ensuite à l’étranger. A la différence des élites catalanes, écossaises ou basques, pratiquement aucun de ces patrons n’apporte de soutien financier à ce qui aurait pu devenir l’embryon d’un parti de droite ou de centre droit régionaliste ou indépendantiste. Forts en gueule, mais pauvres en actes, mais toujours « exploiteurs en Bretagne ».