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Un camarade a séjourné il y a peu en Martinique, et en revient après de nombreux échanges avec la gauche du mouvement indépendantiste local. Il partage ici les nuances et débats passionnés qui traversent l’ensemble des mouvements et partis indépendantistes concernant la formation du plus célèbre d’entre eux : Alfred Marie-Jeanne, député à Paris pendant 10 ans.

Bretagne-Info.

Le MIM en tension : la fin du pseudo-indépendantisme du parti ?

Le 7 septembre aura lieu l’Assemblée Générale du Mouvement Indépendantiste Martiniquais, une réunion cruciale pour l’avenir du parti : le leadership d’Alfred Marie-Jeanne, incontesté depuis 1978, est en effet mis en danger par les tensions entre ses partisans et ceux de Jean-Philippe Nilor, député indépendantiste martiniquais. Le changement de direction du parti pourrait s’avérer intéressant, les frondeurs revendiquant « un MIM qui doit revenir à ses fondamentaux, dans son fonctionnement », car le MIM a, dans son histoire, trahi à maintes reprises l’objectif initial du parti, sous l’égide d’Alfred Marie-Jeanne qui règne en autocrate à l’intérieur de la formation. Revenons sur l’histoire de ce mouvement.

Alfred Marie-Jeanne

L’indépendantisme douteux voire opportuniste d’Alfred Marie-Jeanne

« Ce n’est ni une question d’indépendance, ni d’autonomie », titrait un des premiers journaux d’Alfred Marie-Jeanne quand il cherchait à atteindre la mairie de Rivière-Pilote en 1971. C’est en 1973 que sa formation, La Parole du Peuple, s’allie avec les autonomistes du PPM mais il commence à parler d’indépendance en 1974, lors des grandes grèves dans les bananeraies. Initiées par les indépendantistes d’obédience marxiste, ces événements secouèrent violemment l’île, donnant lieu à des combats violents qui firent 2 morts et de nombreux blessés. Alfred Marie-Jeanne profite de cette effervescence pour se projeter à la tête de la revendication indépendantiste en créant la CSTM, syndicat sous son contrôle. Doté de grandes qualités oratoires, il fonde quatre ans plus tard le MIM avec les militants rassemblés sous sa bannière. En plus de son talent de tribun, le leader (aux résultats électoraux incontestables) est accusé de pratiquer le clientélisme pour fidéliser sa base militante. Toujours prêt à rendre service, il n’hésite pas à utiliser les ressources de sa mairie pour des objectifs politiques (donner des permis de construire à ses militants, reconstruire une route à l’autre bout de l’île en vue de l’élection régionale, donner à des mouvements des revendications corporatistes au sein de la CSTM…). Ainsi, ça n’est pas tant le programme et les visées du MIM qui rassemblent, mais simplement le charisme d’Alfred Marie-Jeanne et ses magouilles.
Le problème avec l’opportunisme, c’est qu’en plus d’être malhonnête vis-à-vis de ses engagements, il trahit rapidement les objectifs de fond. Enfoncé dans l’électoralisme et le souci de rester « politiquement correct » dans l’optique de toucher un maximum de personnes (au lieu de s’échiner à construire un discours politique révolutionnaire à l’instar de la gauche indépendantiste martiniquaise), le maître du MIM maintes fois fait figure d’agent du colonialisme, à se demander s’il ne sert pas l’État Français plus que le peuple Martiniquais.

Drapeau Martiniquais

L’électoralisme avant la revendication

Sans passer par le débat de la participation aux élections ou non, des faits objectifs prouvent qu’un parti indépendantiste se compromet. C’est le cas ici quand il va jusqu’à être contradictoire : lors d’un match entre l’équipe martiniquaise et nicaraguayenne en juillet 2017, Alfred Marie-Jeanne piqua une colère noire à la vue des drapeaux indépendantistes dans les tribunes. Le drapeau rouge-vert-noir, présent dans les rangs des indépendantistes depuis le premier acte militant de la cause en 1962, n’a en effet jamais été adopté par le MIM. Pourquoi même pas une tolérance ? La réponse est électorale encore une fois : en 2015, la liste que le parti dirigeait pour les régionales fait une alliance avec la Droite Républicaine, lui permettant de se réimplanter solidement en Martinique. Le deal sur lequel cette alliance fut forgée : pas de débat sur le statut ou l’indépendance de la Martinique pendant 5 ans pour le MIM. À ce niveau là, le militantisme est contre-productif. Mais ce n’est qu’une suite logique : en se posant continuellement en interlocuteur du colonialisme, le parti n’a plus intérêt au conflit et aux gains politiques : pendant la grève générale en 2009 par rapport à la crise économique, et alors que toute la gauche indépendantiste descendait dans la rue, Alfred Marie-Jeanne prenait position contre les grévistes, tout comme il avait prit position contre les artistes, les chauffeurs, les éleveurs… Le cheval de bataille de l’indépendantisme, la question des réparations de l’esclavage, est totalement absente de leur discours également, de peur de froisser leurs amis colons.

Quelle indépendance ?

La construction politique du parti donne un aperçu de la conception de l’indépendance par Alfred Marie-Jeanne et ses partisans : politique néo-libérale (aucune revendication sociale ne figure dans leurs revendications, mais on y parle de restaurer l’équilibre comptable et d’assainir les finances publiques), clientélisme, règne autocratique du leader (le programme est tout de même écrit à la première personne)…
L’analyse de Frantz Fanon sur le rôle du parti indépendantiste bourgeois avant l’indépendance (dans Les Damnés de la Terre) s’applique à la perfection : une élite déconnectée des masses et de leur situation qui se pose en interlocuteur privilégié du colonialisme pour permettre à ses membres de gagner en crédibilité. Durant les phases insurrectionnelles, le parti reste sagement attendre dans ses bureaux que la situation dégénère pour les colons avant d’intervenir pour proposer un compromis avantageux à ses membres et aux colons : ces derniers se retirent sans être vaincus, avec de solides garanties (Franc CFA, bases militaires) bien protégées par la nouvelle élite dirigeante qui ne fait que perpétuer un système d’oppression, changeant simplement la couleur du drapeau.

Le MIM n’est donc nullement anticolonialiste et son indépendantisme est illusoire, du moins pour le moment : Nilor, le député élu du MIM, va peut-être inverser la tendance ? Il avait déjà prit position pour le drapeau indépendantiste contre la direction du parti, et souhaite revenir à un fonctionnement plus démocratique… Néanmoins, l’alternative ne deviendra intéressante qu’à partir du moment où le MIM changera radicalement sa ligne pour entrer dans une logique indépendantiste connectée aux revendications sociales et cessera sa collaboration électoraliste avec l’État français ; car l’indépendance ne sera totale que si elle se fait vis-à-vis de l’oppression d’une manière générale.

I.I.

Le Parti Communiste Marxiste-Léniniste d’Equateur organise régulièrement le Semanario Internacional de Problemas de la Revolución en América Latina (SIPRAL) auquel participe de nombreux partie du sous continent Américain. Pour ce 22ème séminaire de Quito célébrant la pensée de Karl Marx 200 ans après sa naissance de nombreuses organisations de la même obédience ont cosignés un texte disponible ici. Ce parti soutient les luttes et revendications indigènes en s’alliant régulièrement avec le Pachakutik.

Le Conseil National des Comités Populaires de Martinique y était présent et y a prit la parole, témoignage vivant de l’engagement de Martinquais contre l’impérialisme et le colonialisme français dans cette partie du monde.  Voici le texte lu par Robert Sae , un de ses dirigeants.

 

Bretagne Info.

 

XXII ème Séminaire International

Problèmes de la Révolution en Amérique Latine

*

Application révolutionnaire de la pensée de Karl MARX”

Quito 23- 26 juillet 2018

Contribution du CNCP de Martinique

Présentée par Robert SAE

Responsable aux affaires extérieures du CNCP

Nous développerons trois points dans cette contribution:

– l’évolution de notre compréhension du Marxisme-léninisme,

– la nécessité de la lutte contre l’aliénation et le mimétisme dans notre militantisme,

l’importace d’une meilleure articulation entre la théorie et la pratique.

  1. L’évolution de notre compréhension du Marxisme-léninisme

Le marxisme n’est pas un dogme mais un guide pour l’action”, “Le Marxisme, c’est une science que nous devons étudier et utiliser pour analyser la réalité afin que notre intervention soit réellement révolutionnaire”.

Comme tous ceux qui se sont engagés dans l’action politique sous la banière du Marxisme-léninisme, voici des affirmations que nous n’avons cessé de répéter. Mais, plus nous militons, plus nous réalisons la longueur du chemin qu’il nous reste à parcourir afin que ces convictions soient pleinement traduites dans notre pratique. La méthode mise en oeuvre par Marx, Lénine et les autres théoriciens de la révolution pour analyser le capitalisme et l’impérialisme les a conduits à mettre en exergue les lois scientifiques qui prévalaient dans l’évolution des sociétés. Nous entendons agir en nous appuyant sur la connaissance de ces lois. Mais, en dépit de nos déclarations, la tendance reste prégnante chez nous à forcer la réalité sur laquelle nous devons agir à entrer dans des cadres correspondant aux conclusions exposées par les théoriciens du marxisme et qui découlent de l’étude de réalités différentes, qui sont celles d’autres espaces humains et d’autres époques historiques.

L’un des éléments qui expliquent ce travers, c’est la sous-estimation, dans nos analyses de la réalité et dans l’élaboration de notre projet révolutionnaire, des apports des autres sciences qui, au côté de la science marxiste-léniniste, permettent d’accéder à la compréhension de la réalité du monde. Nous pensons là à la psychologie, à la sociologie, à l’écologie (etc.)

De ce point de vue, il existe des gens qui n’ont lu aucun livre marxiste, parfois même politiquement opposés aux marxistes, mais qui, dans leur pratique, l’utilisant comme M. Jourdain utilisait la prose, font une meilleure application du marxisme que certains militants marxistes. Cela, parce que, grâce à une approche éclectique, ils analysent scientifiquement la réalité. Quant aux théoriciens, aux stratèges et aux propagandistes de nos ennemis de classe, ils prennent soigneusement en compte les apports de la science marxiste, tout en diabolisant celle-ci (Pour que les masses ne se l’approprient pas). Nous avons, d’ailleurs, pu découvrir un manuel de formation des officiers supérieurs de l’armée française qui consacrait un important chapitre à la connaissance du marxisme !

Forts de ces constats, nous avons essayé d’accorder une attention plus conséquente aux apports des autres sciences et de mettre en oeuvre une approche pluridisciplinaire dans nos réflexions. Nous nous sommes également fait un devoir d’observer et d’écouter moins dogmatiquement les autres organisations et mouvements qui oeuvrent sur des terrains non-spécifiquement politiques (écologie, économie alternative et même spirituel). Cette démarche nous a conduits à mieux décrypter un certain nombre de situations et à en tirer des conclusions contribuant à une meilleure efficacité dans nos choix théoriques et pratiques.

Dans le cadre de notre pratique en Martinique, par exemple, nous avons pu réaliser que la méconnaissance des aspects culturels et psycho-sociologiques était un obstacle patent à l’efficacité de notre intervention politique. L’approfondissement de ces questions (grâce notamment aux éclairages de Frantz FANON), nous a amenés à considérer que l’un des freins au développement des conditions subjectives nécessaires à la transformation révolutionnaire, c’est le fait que la société martiniquaise est gangrenée par ce que nous avons appelé le “syndrome de Lynch”.

Voila de quoi il s’agit : Dans notre pays colonisé, le peuple Martiniquais s’est constitué avec, pour base essentielle, des africains qui y ont été déportés et esclavagisés. Notre histoire, c’est celle du démantellement des structures sociales et familiales traditionnelles, de la “chosification” des êtres humains, de la codification et de l’institutionalisation du racisme, de la répression bestiale et des tortures, d’une entreprise systématique de déculturation puis “ d’assimilation”. Tout cela a généré un traumatisme profond qui se perpétue de manière épigénétique mais aussi du fait du maintien de la domination coloniale.

Comment un travail révolutionnaire pourrait-il aboutir sans porter réponse à cette problématique là ?

En définitive, nous avons compris que, pour une application féconde du marxisme-léninisme, nous devions extirper de notre pensée et de notre pratique politiques toute forme d’aliénation et de mimétisme.

  1. La nécessité de la lutte contre l’aliénation et le mimétisme dans notre militantisme.

Tirant un bilan de notre pratique politique, vieille de près d’un demi-siècle, ainsi que des leçons du mouvement révolutionnaire international, nous avons considéré que, pour être capable d’assumer notre missión révolutionnaire, il était indispensable d’affiner nos conceptions en matières politique, institutionnelle, économique, philosophique et culturelle.

Inconsciemment ou pas, nous sommes influencés par l’idéologie bourgeoise dominante. Nous subissons le poids de notre formation scolaire et universitaire, de l’environnement culturel et de la propagande massive de nos ennemis de classes. Aussi devions nous être particulièrement vigilant dans la lutte contre les tendances négatives que sont les suivantes:

  1. – La hiérarchisation erronée des fronts d’intervention

Quel militant, à un moment ou un autre, n’a pas idéalisé la lutte armée comme étant l’expression achevée de la lutte révolutionnaire? Nous posons la question pour illustrer le fait que la façon de considérer les différents fronts de lutte peut être biaisée au point d’influer sur les orientations politiques, alors qu’ils ne devraient être que les champs d’application de celles-ci. Ainsi, l’engagement sur le front syndical ou sur le front électoral peut devenir un engrenage conduisant à se détourner, temporairement ou définitivement, de la stratégie révolutionnaire globale. Cette situation ouvre la porte aux déviations puisque, faute de boussole idéologique, nombreux sont ceux qui, sur les fronts concernés, développent des pratiques et se donnent des objectifs tels que voulus par la bourgeoisie*.

* Exemple de ceux qui appellent les masses à se mobiliser sur la question du nombre de mandats et pas contre les exactions des multinationales.

  1. – La conception élitiste et pyramidale de la société et de l’organisation politique.

Le poids de l’idéologie bourgeoise se fait particulièrement sentir dans la façon de concevoir l’organisation de la société, les institutions et même le rôle de l’avant-garde révolutionnaire.

Aliéné par une conception élististe et pyramidale de la société, d’aucuns en arrivent à nier la prévalence de la pensée collective et à considérer que le contrôle du pouvoir par leur seule organisation et ses dirigeants équivaut à la victoire. En fait, c’est d’un avatar du système qu’il s’agit là et, de toute évidence, cela est en totale contradiction tant avec l’objectif de prise du pouvoir par le prolétariat qu’avec les príncipes qui indiquent que “ce sont les masses qui font l’histoire” “ ou que “les travailleurs se libéreront eux-mêmes”

  1. – Le subjectivisme dans la lutte idéologique.

Les relents de l’idéologie bourgeoise peuvent conduire aussi, parce qu’on est convaincu d’avoir analysé scientifiquement la réalité et d’avoir élaboré une ligne politique juste, à utiliser des méthodes contre-productives dans la lutte pour éliminer les conceptions opportunistes et les déviations. Quand à la pédagogie se substitue la dénonciation virulente, on ne risque pas de faire évoluer la réalité et on n’a certainement pas tiré les bonnes leçons de la pensée de Karl Marx qui nous enseigne que: “Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c’est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience”.

Cette remarque ne remet absolument pas en cause la nécessité de mener la lutte idéologique en permanence. Il s’agit, au contraire, pour rendre celle-ci efficace, de se défaire de toute forme de subjectivisme afin de la mettre effectivement au service de nos objectifs de transformation révolutionnaire.

* Exemple: La dénonciation des Rastas ne s’appuyait pas sur une juste évaluation du mouvement “afrocentriste”

** N’y a-t-il pas des leçons à tirer de la capacité qu’ont les impérialistes à faire front contre les peuples et les pays progressistes en dépit de leurs contradictions d’intérêts?

d) – La reproduction des schémas du vieux monde dans l’élaboration du projet alternatif.

En nous penchant sur l’évolution de nombreux pays qui se sont libérés de la domination coloniale directe, nous pouvons constater que la seule indépendance n’a pas permis une transformation radicale de la société*.

*Même quand la lutte de libération a été conduite par des dirigeants anti-impérialistes conséquents.

La raison en est que les institutions et le modèle économique mis en place après l’indépendance n’étaient pas en rupture avec les conceptions propagées par la bourgeoisie occidentale. Si notre ambition est de changer le monde, nous devons en tirer des leçons.

Ces derniers temps encore, beaucoup de voix, dont celles d’anti-impérialistes, se sont fait entendre pour appeler à l’industrialisation de l’Afrique et applaudir la création de « startups » sur le continent. Autrement dit, pour que les peuples africains résolvent les problèmes de pauvreté, de catastrophes naturelles, de pillage du continent, des guerres et du terrorisme, la solution serait qu’ils se noient davantage dans le magma de la globalisation néolibérale, du productivisme et de la compétitivité! Qui, aujourd’hui, ignore que ce modèle génère le creusement des inégalités, l’explosion de de la pauvreté, la destruction du tissu social, de l’environnement et du vivant, bref, que ce modèle conduit le monde à son auto-destruction? Ajoutons ici que les dégats causés par la Révolution industrielle orchestrée par la bourgeoisie ne semblent pas avoir servi de leçon. L’engouement pour la “Révolution numérique” est tel que les mises en garde faites par les experts scientifiques et les écologistes quant aux effets des nouvelles technologies sur la santé des êtres humains et quant aux conséquences en matière de pollution, n’empêche pas qu’elle déferle dans tous les recoins de la planète.

Ainsi, aux antipodes de toute aliénation, il s’agit de concevoir, à travers le projet révolutionnaire, la réorganisation de la production, des services et de la répartion des biens, afin que soient satisfaits les besoins fondamentaux de l’ensemble des populations, dans le respect de tous les éco-systèmes. De ce point de vue, les stratégies développées par les masses populaires sur le plan économique et dans leurs relations sociales pour s’adapter au monde, assurer leur subsistance ou pour résister à l’exploitation et à l’oppression peuvent constituer un socle solide pour la construction du système alternatif*.

* D’où la nécessité d’étudier scientifiquement les ressorts de l’économie non contrôlée institutionnellement dont on ne prend pas assez en compte le fait que son poids est incontestablement plus important que celui de l’économie “officielle”

e) – La sous-estimation des apports civilisationnels des peuples non-occidentaux .

L’un des plus grands crimes des envahisseurs colonialistes est que, pour justifier idéologiquement leur hégémonie, pendant des siècles (c’est encore le cas aujourd’hui), ils ont pratiqué systématiquement le dénigrement de la culture et des civilisations des peuples non-occidentaux. Les rites et religions de ceux-ci ont été caricaturés, leur savoir-faire et leurs inventions occultées ou abusivement attribuées à des “civilisateurs” européens. Parallèlement, la propagande visant à idéaliser leur culture et leur civilisation occidentales n’a jamais faibli en intensité. Ceci explique la difficulté qu’ont certains à prendre en compte les savoirs et les expériences populaires émanant des civilisations non-occidentales dans l’élaboration du projet alternatif de société*. Pour la sauvegarde de notre monde et pour que l’émancipation de l’humanité fasse un nouveau bond, Il faut absolument se défaire de cette aliénation là.

* En ce sens, les institutions traditionnelles, les mécanismes permettant la cohésion sociale, le rapport à l’environnement, au temps et à l’espace prévalant dans les sociétés non-occidentales sont autant de domaine dont l’étude revêt, à nos yeux, une importance capitale.

3 – L’importance d’une meilleure articulation entre la théorie et la pratique

Souvent, depuis que nous nous sommes engagés dans l’action politique, nous avons dû constater que le résultat de nos actions ne répondait pas à nos attentes et nous avons été régulièrement confrontés au fait que des militants, victimes du sentiment de “chayé dlo an panyé”*, baissaient les bras. Pourtant, nous nous sommes toujours efforcés d’accorder une place conséquente à la réflexion, à l’élaboration d’orientations politiques justes et, en même temps, de militer de façon soutenue au côté des masses populaires.

*transporter de l’eau dans un panier

En analysant lucidement les raisons de cette situation, nous avons fini par admettre que nos choix tactiques et nos actions n’étaient pas toujours en adéquation avec nos intentions. Selon nous, ce déphasage résulte essentiellement de deux faiblesses: d’une part, la subjectivité qui pousse à des choix inappropriés dans l’application de la ligne politique, d’autre part, les insuffisances quant à la prise de dispositions concrètes pour assurer la mise en oeuvre des orientations arrêtées. Pour illustrer ces propos, nous citerons deux exemples:

a) – Par conviction et sur la base de notre ligne politique, nous avons toujours affirmé que, pour mettre fin à l’exploitation capitaliste et à la domination coloniale, nous devions impérativement contribuer à l’unité du peuple et au rassemblement le plus large possible des forces opposées au système. Pourtant, dans certains cas, les méthodes que nous avons employées dans la lutte contre les conceptions et les pratiques opportunistes, ou tout simplement inconséquentes, sont allées à l’encontre de ces objectifs là*.

*Exemple de la mauvaise résolution des contradictions sur le front de la lutte syndicale.

b) – Notre deuxième exemple concerne le front des relations internationales.

Nous sommes tous conscients que, dans le contexte de la globalisation néolibérale et de l’offensive généralisée menée par les impérialistes sur les fronts idéologiques et militaires, seule la résistance coordonnée des peuples peut mener à la victoire de la Révolution. A cet égard, les échanges théoriques, la réflexion commune, sont indispensables à l’élaboration d’orientations justes et de stratégies valables. Les communiqués de soutien aux luttes internationales, les déclarations conjointes, les mobilisations et les opérations concrètes de solidarité sont, également, essentiels pour renforcer le moral des troupes. Mais, serions-nous en mesure de mener une lutte coordonnée au niveau exigé par le rapport des forces sans porter des réponses concrètes à ces questions qui nous tenaillent:

Comment garantir la circulation de l’information alternative afin de mener une contre-offensive coordonée sur le front idéologique? Comment pallier les difficultés liées au coût des voyages et aux visas? Comment surmonter valablement la barrière des langues*?”

* Si nous ne portons pas de réponse globale à la question de la traduction, trop peu de militants partageront la richesse des apports permis par les rencontres internationales et beaucoup des publications que nous expédions à grands frais à nos camarades étrangers dormiront sur des étagères.

Nous devons admettre que nos réponses à ces questions sont limitées et que les dispositions que nous avons pu prendre ne sont pas à la hauteur des enjeux. C’est pour cela que vous remercions chaleureusement de nous avoir invités à participer à ce séminaire qui nous permettra de nous enrichir de vos expériences en matière de relations internationales.

Voici donc les réflexions concernant “l’application révolutionnaire de la pensée de Karl Marx” que nous souhaitions partager avec vous, camarades, à l’occasion de ce XXII ème séminaire.

Nous sommes à l’heure de la mère des batailles contre les exploiteurs et les oppresseurs. Ce sont la réflexion collective, l’échange d’expérience, la coordination des actions entre les organisations révolutionnaires, particulièrement entre les organisations marxistes-léninistes, qui nous ouvriront le chemin de la victoire.

Vive le XXII ème séminaire!

Vive le Marxisme-Léninisme!

Vive la solidarité internationale!

Je vous remercie de votre attention.

 

Plus de 4000 personnes ont pris part ce 16 juin à la Pride Rennaise. Contrairement à ce que beaucoup croient en raison de la dépolitisation croissante il ne s’agit pas d’une technoparade mais d’une journée revendicative commémorant une émeute. Un cortège radical s’est organisé pour lutter contre la dépolitisation de cette journée de lutte et de fierté pour toutes les personnes LGBTQI. Nous avons sollicité un des animateurs. Voici son récit : 

Roazhon, fière et révolutionnaire !

Ce samedi 16 juin 2018, les rues rennaises accueillirent la Pride 2018, petit retour sur le cortège radical.

L’organisation d’un cortège radical pour la Pride de Rennes s’est faite cette année dans l’urgence. Voyant que rien n’avait été prévu moins d’une semaine avant, un appel à la formation d’un Pink-Bloc a été diffusé par le compte Twitter @LobbyLGBTBreton ; ce communiqué appelait toute personne voulant redonner un message politique à la Pride, à converger et prendre la tête du cortège rennais pour faire entendre ses revendications sur les oppressions systémiques mises en place (et perpétuées) par l’Etat Français comme le patriarcat, ou encore le racisme.
Dans le même temps, un second collectif monté pour l’occasion, a lui aussi produit un appel similaire.
Profitant de cette aubaine, certaines personnes mal intentionnées et ne voulant pas voir de revendications politiques faire de l’ombre au CGLBT Rennais qui organise l’évènement, en ont profité pour faire courir des rumeurs, notamment en diffamant le compte @LobbyLGBTBreton qui serait tenu par des « homonationalistes bretons », ce qui est profondément faux.

Quoi qu’il en soit, après quelques cafouillages de début résultants de l’organisation « à la va-vite » de ce cortège ainsi que des diffamations susmentionnées, les deux groupes se sont rapidement réunis pour ne former qu’un seul bloc, portant haut et fort des revendications communes.
Malgré l’itinéraire absolument ubuesque imposé au cortège par la Préfecture, qui relève très clairement d’une volonté d’invisibiliser les luttes LGBTQI et de ne surtout pas déranger les bourgeois et touristes qui profitaient de leur petit samedi après-midi dans le centre-ville rennais, les militant·e·s finirent par atteindre la Place de la Mairie, où eurent lieu des prises de paroles de la part des organisateurs et organisatrices, qui se félicitèrent du succès de leur technoparade encadrée par le service d’ordre de la CFDT. Le cortège reprit ensuite sa marche jusqu’à l’Esplanade Charles de Gaulle, d’où il était parti.

Les militant·e·s se félicitent de la réussite de leur action. Malgré une organisation tenant quasiment de l’improvisation et des officiels tentant de briser cet élan, plus d’une centaine de personnes étaient réunies en tête de cortège où elles ont pu revendiquer un féminisme total, queer, antiraciste, anticapitaliste, et anticolonialiste, face à un Etat Français refusant de nous entendre.
Les deux ensembles ayant produit des communiqués se sont retrouvés en fin de manifestation pour mettre les choses à plat sur ces rumeurs crées de toute pièce et ont convenu de travailler ensemble pour organiser l’an prochain quelque chose de bien plus puissant.

Parce qu’en Bretagne, les luttes LGBTQI sont intimement liées à la question Française, nombre d’entre nous seront présent·e·s le 29 Septembre à Nantes pour réclamer la réunification et le droit à décider ; le droit à une Bretagne libre, antifasciste, débarrassée de l’autoritarisme français. Le droit à une Bretagne où chacun·e peut être débarassé·e·s tant du patriarcat, que du genre, du racisme, et du colonialisme.

Dalc’homp mat, stourmomp betek an trec’h !

Le @LobbyLGBTBreton

À quelques heures du premier rassemblement du collectif de jeunes indépendantistes DISPAC’H à Brest pour protester contre le film Bécassine, voici quelques éléments pour débattre suite à la saine polémique entamée grâce aux jeunes militantEs indépendantistes et anticapitalistes de ce collectif qui a su utiliser les réseaux sociaux mais est lui privé d’antenne sur les médias. Et ce, contrairement au réalisateur de ce film-navet dégradant subventionné avec de l’argent public et promu par France Inter, la radio bobo chic de gauche, et dont les syndicats des locales de radio France en Bretagne (Breizh Izel et Armorique) ne semblent n’avoir rien à redire…

Bretagne Info.

Quelques éléments de communication pour parer une polémique, le tutoriel Podalydès.

La mobilisation enclenchée par Dispac’h pour boycotter le film de « Bécassine ! » a eu le mérite de relancer un débat polémique aussi vieux que le personnage.
C’est une véritable déferlante dans les médias français. Ils se posent d’ailleurs bien plus de questions sur le personnage que les médias bretons, dont le propos s’est presque entièrement limité à des déclarations d’hostilité face à notre action.

Nous reviendrons plus tard sur les effets de cette polémique, quelques éléments inattendus sont tout de même intéressants à rendre compte de suite.

Le premier vient directement de l’équipe du film, qui semble ne pas savoir comment se dépatouiller d’une polémique qui a enflé toute la semaine, jusqu’à la veille des avant premières. L’idée mise en avant est très simple : Bécassine n’est pas bretonne, elle est « universelle » comme le dit Podalydès, elle a un costume Picard et dans l’histoire elle ne va même pas à Paris. On se demande donc pourquoi ces Breton·ne·s peuvent bien être remonté·e·s contre le film, rien à voir, laissez faire, laissez passer.
Pourtant, le dossier de presse du film commence bien par « Bécassine naît dans une modeste ferme bretonne », pourtant toutes les avant premières se font en Bretagne, pourtant tous les médias précisent bien qu’elle est « la bretonne la plus célèbre du monde » et tout le monde sait bien que Bécassine – malgré son costume Picard – représente une bonne Bretonne comme il en a existé des milliers dans l’histoire. Signe d’une époque orwellienne ou d’une polémique bien difficile à éteindre ? Peut être entendra-t’on dire un jour que Banania n’est pas un africain, que Tintin au Congo n’est pas une BD raciste, voire que l’univers culturel de la bourgeoisie parisienne n’a jamais été porteur d’idées sexistes, racistes, condescendantes pour ce qu’ils appellent la « province » et méprisantes pour les classes populaires ? (cf vidéo en fin d’article)

La Bécassine dernière génération de Podalydès ne semble être que la digne héritière d’une longue tradition bien française et surtout bien parisienne.
Sur l’aspect universel de Bécassine par ailleurs, nous n’en doutons pas, toutes les femmes de ménage qui triment encore dans les beaux quartiers et les grands bureaux parisiens peuvent en témoigner.

Deuxième axe de communication plus récent : « Bécassine ! » est un film pour enfants, il n’y a pas de quoi faire des polémiques à caractère politique sur le sujet. Cela fait si longtemps que l’on inculque aux enfants les clichés sexistes, les différences genrées infranchissables et immuables, tout comme bien d’autres stéréotypes qui viennent du monde des adultes, pourquoi commencer à le remettre en cause maintenant ? D’ailleurs, il est amusant de voir que toutes les avant premières de ce film pour enfant sont programmées à 20h et généralement en semaine. Autant pour nous, cela crève les yeux, le créneau horaire a été spécialement sélectionné pour des enfants.

Ultime argument mis en avant, principalement par des médias il faut le dire : Bécassine serait loin du cliché de la Bretonne arriérée. Elle est une femme moderne, la première héroïne de BD, un personnage « presque féministe » dit même RTL. Presque car il est tout de même bien trop gros d’affirmer une telle idiotie. Là encore, à quand le Banania comme symbole antiraciste, à quand une célébration de Tintin au Congo comme antithèse de l’esprit colonial ? Grace à notre mobilisation et à l’aide de Thierry Compain, vous allez bientôt pouvoir regarder le film « Nous n’étions pas des Bécassines » en direct et en replay sur France 3, ainsi que dans les projections que nous organisons Bretagne. Nous invitons les journalistes qui professent ce genre d’idées à regarder le témoignage de ces femmes, ils se feront une idée de l’image féministe qu’avait le personnage pour les principales intéressées. « Ça a été très dur… Déguisée en Bécassine, moi j’ai jamais accepté ça » comme dit l’une d’entre elles.

Mais après tout, il faut dire que dans une époque orwellienne par excellence où les classes dominantes assument tout ce qui est inassumable, où la bêtise et l’ignorance ont force de culture, où l’on célèbre Mai 68 tout en réprimant la colère populaire qui monte, plus rien ne nous étonne…

Le collectif de jeunes indépendantistes DISPAC’H diffuse le communiqué suivant.

Pour les suivre sur FB et sur twitter.

Le 20 juin 2018 sortira sur les écrans Bécassine !, une pseudo comédie française potache et soi-disant populaire, qui dès ses premières images en dit long sur l’insulte en terme d’identité et de mémoire qu’il adresse aux femmes et au peuple breton.

Reprendre un symbole comme Bécassine n’est pas un choix anodin ou innocent

Ce personnage qui date de 1905 a été inventé dans les journaux de la bourgeoisie parisienne qui aime se moquer des individus qu’elle exploite et opprime à longueur de journée. Nous sommes alors à la grande époque de la colonisation, de la francisation forcée – Bécassine originelle n’a pas de bouche car elle ne parle que breton. C’est aussi l’époque des zoos humains dans Paris, des théories de hiérarchie des races, de l’oppression des femmes légale et institutionnalisée, de la stigmatisation de la Bretagne comme pays arriéré vivant en marge de la civilisation.

Déni de notre histoire migratoire

Au XIXe et au XXe siècles c’est par milliers que des Bretonnes et des Bretons quittent leur pays et leurs campagnes pour partir à la ville, en France, aux États Unis ou ailleurs. Paris reste de toutes ces destinations la plus symbolique car la plus traumatique. Pour fuir une misère rurale, nos ancêtres partaient alimenter une misère urbaine tout aussi détestable. Finir au bordel, à l’usine, sur les chantiers ou au service de la bourgeoisie, voila quel était le destin de milliers de Bécassine de l’époque. Une fois sur place elles pouvaient continuer à vivre pleinement la stigmatisation linguistique, le racisme anti Breton-ne-s, les oppressions sexistes, en plus de toutes les difficultés habituelles du prolétariat urbain.
L’immigration bretonne n’avait rien de la naïveté joyeuse qu’expose le film Bécassine. En plus du mensonge historique, ce film est une insulte à la mémoire de notre peuple, une insulte à toutes les femmes de Bretagne et à toutes les femmes qui connaissent ou ont connu l’immigration.

Pas d’insulte plus grande pour les Bretonnes

Opprimées parce que femmes, stigmatisées parce que Bretonnes, exploitées parce que prolétaires, voilà la seule réalité qui s’applique à Bécassine. Si vous voulez montrer Bécassine à l’écran laissez la parler, montrez ses souffrances et ses révoltes. Si vous voulez montrer ses idioties, maladresses et naïveté, nous allons vous montrer que les petits enfants de Bécassine n’ont plus peur d’exprimer des révoltes restées trop longtemps muettes.
Par ailleurs, sortir de ce film au début de l’été en saison touristique ne tient pas du hasard. Faire du fric en vendant une image dégradante de la Bretagne aux flux massifs de touristes qui affluent sur nos côtes, voila un projet que nous ne pourrons laisser passer sans réagir.

Nous appelons l’ensemble des Bretonnes et des Bretons ainsi que l’ensemble des cinémas de Bretagne à boycotter le film de Bécassine !

Pour les salles récalcitrantes qui voudraient tout de même le diffuser, nous annonçons une campagne de boycott actif qui ne prendra fin qu’avec la déprogrammation de Bécassine !. Ce film insultant ne pourra passer en Bretagne sans en payer le prix et nous ferons en sorte qu’il soit le plus élevé possible.

Nous sommes de celles qui s’organisent, nous ne repasserons plus jamais vos chemises !

Une bretonne vivant en Kanaky nous a fait parvenir ce témoignage sur la réalité de la répression coloniale lors de la venue de Macron il y a quelques jours dans ce pays. Elle milite au sein du Parti Travailliste Kanaky, une des composantes indépendantistes et elle a fait partie des gardés à vue. 30 ans après le massacre colonialiste à Ouvea la répression coloniale française continue…

Merci à elle et salut aux hommes et femmes de Kanaky en lutte contre la France.

Bretagne-Info.

A Nouméa, le 7 mai 2018

Un vent de censure a soufflé lors de la venue d’Emmanuel Macron, ce vendredi 4 mai 2018, dans le quartier de Pierre Lenquette, à Nouméa, capitale de la Kanaky (colonialement appelé Nouvelle-Calédonie).

Bien loin des quartiers aisés et européanisés du sud de la ville, ce quartier est le reflet de l’apartheid social et colonial où la dure réalité de la vie quotidienne des Kanaks est omniprésente : discrimination à l’emploi, difficulté à se loger, vie chère, emploi local non respecté. Les maires successifs de la droite coloniale ne se sont jamais souciés d’améliorer les infrastructures environnantes des logements sociaux du quartier de Pierre Lenquette, sauf en ce jour de la venue d’Emmanuel Macron pour lequel il vient découvrir la zone pilote de la police de sécurité au quotidien : quartier nettoyé, maison de quartier repeinte, tags effacés, débroussaillage, élagage.

Tous y est pour que la communication de Macron y soit resplendissante.

La colère de la population contre sa venue doit rester dans l’ombre. L’Histoire tachée de sang depuis la prise illégale de possession du pays par la France en 1853 ainsi que le désir d’indépendance à moins de six mois du référendum sont censurées : sacs fouillés, banderoles saisies, snipers aux derniers étages des bâtiments sociaux. La tension est palpable de la part des policiers, du service d’ordre et des RG présents.

Interpellations musclées

Des militants indépendantistes et nationalistes se sont vus dans l’obligation d’ouvrir leurs sacs et ont été saisis de leurs banderoles sur lesquelles où pouvaient y lire : « France, Paye ta dette coloniale ! » ou encore « Ici, c’est Kanaky », « Etat français assassin » ; « France = Voleur, restitution des 83% des terres volées ».

Lors du passage de Macron au commissariat pour le plan de promotion de la police de sécurité, une militante indépendantiste se fait violemment embarquer en sortant sa banderole qui reprends la phrase du président français lors de son discours à Alger : « La colonisation est un crime contre l’humanité ». Trois autres militants indépendantistes sont neutralisés et menottés et placés en garde à vue.

Gardes à vue

Trois d’entre eux sont libérés après 22 heures et la quatrième après 42 heures de garde à vue suite à ses propos envers le président de la République française : « État français assassin… Macron assassin… Kanaky Libre ». Étrangement, au moment de sa comparution devant le procureur après 23 heures de cellule, l’avocate commis d’office n’apparaît plus. La militante sort après 42 heures avec un rappel à la loi pour outrage à l’état français et au président de la République Emmanuel Macron avec aucune suite judiciaire à condition qu’elle ne commette pas une autre infraction dans un délai de 6 ans. La peine serait alors de 6 mois à 1 an de prison ferme.

Emmanuel Macron a donné le ton médiatiquement pendant son séjour dans sa lointaine colonie que le maintien de la France est le meilleur chemin pour le population en continuant d’occulter les revendications de liberté, d’indépendance, de souveraineté du Peuple Autochtone Kanak qui n’ont jamais cessés de résister depuis les débuts de la colonisation.

https://www.youtube.com/watch?time_continue=24&v=J85KQBR3d4k

Le CNCP est une des composantes de l’indépendantisme Martiniquais. C’est une formation radicalement anticolonialiste, anticapitaliste qui existe depuis 1982. Avec l’autorisation des auteurs nous publions une tribune critique de l’électoralisme signés de ses dirigeants.

Pour en savoir plus sur le CNCP c’est ici, son bulletin d’info s’appelle Jik An Bout.

Bretagne Info

La démocratie malade des élections

Dans tous les pays dits « démocratiques », les taux d’abstention aux élections ne cessent d’augmenter. Concernant les élus, les sentiments exprimés majoritairement dans la population, ce sont  la désillusion et le dégoût ; ce que traduit la formule « tous pourris ». Ce phénomène est gentiment qualifié de « désamour » par les commentateurs autorisés.

Au dire des bien-pensants, les abstentionnistes déshonorent la « citoyenneté » et bafouent le droit de vote pour lequel des peuples se sont battus et dont certains pays ne bénéficient pas. A les en croire, une fois de plus, les coupables du dysfonctionnement se trouveraient au sein du peuple. Peut-on croire sérieusement que si les « citoyens » voyaient les élus tenir leurs promesses et répondre valablement à leurs attentes, ils se détourneraient si massivement des élections ?

La vérité c’est que les peuples sont de plus en plus conscients que le système électoral est complètement cadenassé par les classes dominantes, qu’il ne permet absolument pas de garantir le respect de leur volonté et que les élus de diverses obédiences qui assurent l’alternance à la tête des institutions ne remettent pas du tout en cause la politique néolibérale scélérate menée par les gouvernements.

Dans pratiquement tous les pays se prévalant de la « démocratie libérale », éclatent régulièrement des scandales mettant à jour la corruption qui gangrène la classe politique et ses élus. Ne citons que deux exemples récents :

  • a) les déboires judiciaires de l’ex-président Sarkozy (accusé de fausses factures et de financement par la Libye, etc.)
  • b) le détournement des données piratées sur facebook par la société « Cambridge Analytica » pour manipuler le vote de millions d’électeurs en faveur de Donald TRUMP.

Il est évident que, forts de leur puissance financière et du pouvoir de manipulation que leur confèrent les empires médiatiques qu’elles contrôlent, les classes dominantes sont en mesure d’empêcher les opposants à leur système de conquérir le Pouvoir par le truchement des élections. Plus encore, l’actualité des dernières années a montré que si des forces progressistes et révolutionnaires parviennent, malgré tout, à remporter des élections, les gouvernements impérialistes occidentaux, se mobilisent pour leur faire barrage. Outre la guerre économique et la subversion, ils ont systématisé la méthode consistant à y organiser des coups d’Etat institutionnels en s’appuyant sur la corruption de certains parlementaires et sur l’instrumentalisation de magistrats réactionnaires (ex : Honduras, Brésil, Venezuela…).

Leur hypocrisie et leur pratique du « deux poids deux mesures » sont manifestes : d’un côté, ils prennent prétexte que des élections ne se sont pas déroulées régulièrement pour agresser militairement des pays tiers (l’exemple de la Côte d’Ivoire est emblématique à ce sujet), de l’autre, ils s’accoquinent avec les pires dictateurs, avalisant leurs coups de force électoraux (comme récemment en Egypte).

Dans ces conditions, à quoi peuvent servir les élections ?

Nous avons déjà montré que les classes dominantes sont capables de cadenasser le système électoral par leur puissance financière et le pouvoir de manipulation de leurs empires médiatiques. Nous avons évoqué également le pouvoir de nuisance des gouvernements des pays impérialistes. La répression fasciste que la Monarchie espagnole exerce actuellement sur les élus Catalans, avec la complicité de l’Union Européenne, illustre parfaitement le fait que les élections ne sont pas le gage d’une véritable démocratie.

Dans de telles conditions, les mouvements alternatifs et révolutionnaires peuvent-ils espérer que la participation aux élections et la conquête de mandats d’élus soient un moyen d’accéder au Pouvoir et à la Souveraineté ?

Il existe chez nous des « patriotes » pour lesquels la question ne se pose même pas : « Nous ne pouvons pas faire la lutte armée, donc c’est sur le terrain des élections que nous devons nous imposer ! ». Cette position est évidemment caricaturale et ne sert qu’à justifier leur opportunisme électoraliste. Heureusement, les luttes populaires peuvent prendre de multiples autres formes. (Grèves générales, mobilisations sur le terrain, désobéissance citoyenne, boycott de produits étrangers, etc.)

Inversement, d’autres appellent au boycott systématique de toutes les élections qualifiant indistinctement tous ceux qui y participent de « vendus » et de « traitres à la nation ». C’est là aussi une position caricaturale parce que, n’étant pas étayée par la capacité de mettre en action des forces susceptibles d’inquiéter le pouvoir colonial, elle ne débouche sur aucune transformation du système.

Participation ou abstention aux élections, résistance clandestine et lutte armée ou mobilisations pacifiques, sont autant de fronts qui ont permis aux mouvements populaires de réaliser des avancées mais qui ont abouti parfois à des désillusions. L’histoire du mouvement révolutionnaire mondial nous enseigne, en tout cas, que si la stratégie et les tactiques, quelles qu’elles soient, ne tiennent pas correctement compte des réalités politiques du moment, elles sont vouées à l’échec.

Avant de répondre à la question de savoir si la participation aux élections peut être un atout dans notre lutte pour la souveraineté, il convient de faire quelques remarques :

– le système électoral en vigueur a été conçu pour favoriser les opportunistes qui ne remettent pas en cause l’idéologie bourgeoise et le pouvoir des classes dominantes et ceux qui sont prêts à toute les compromissions pour partager le gâteau (l’alliance entre les « Patriotes », le RDM, le PCM et les libéraux assimilationnistes, dont les « Sarkozistes », en est un bien triste exemple.)

– L’inconscient collectif reste très marqué par l’idée que l’existence d’élections dans un pays est une garantie de démocratie et, en dépit du rejet des élections manifesté par une grande partie de la population évoqué au début de l’article, paradoxalement, celle-ci accorde difficilement du crédit aux organisations politiques qui n’ont pas d’élus.

– Au-delà de positionnements idéologiques et politiques, le phénomène de l’aliénation généré par la domination coloniale contribue à complexifier la situation. Des individus de valeur, qui auraient pu jouer un rôle notable dans la lutte, ne conçoivent leur épanouissement que dans le costume d’élu et s’automutilent en pataugeant dans les méandres de la politique politicienne. Cette aliénation se manifeste aussi chez des militants n’ayant pourtant pas d’ambitions personnelles. Capables de faire de gros efforts financiers et de se mobiliser en continu lors des campagnes électorales, ils n’ont pas le même esprit de sacrifice entre les échéances ou pour soutenir d’autres fronts de lutte.

Au bout du compte, nous considérons que la lutte sur le front électoral doit rester une option, parce

  • qu’elle est l’occasion de faire connaitre les analyses alternatives,

  • qu’elle confère une certaine légitimité face aux colonialistes,

  • que les élus locaux peuvent intervenir sur le quotidien, même si c’est à une échelle réduite.

Cependant, la participation aux élections ne peut se justifier que si elle fait partie d’une stratégie globale dont l’objectif est la libération nationale, si les candidats proposés sont réellement des personnes impliquées dans le travail d’organisation des masses et porteuses de projets alternatifs. Si ces conditions ne sont pas réunies, l’abstention et, si nécessaire, l’appel au boycott sont entièrement justifiés.

Bien sûr, aucune intervention sur le front électoral ne pourrait être immunisée contre les luttes de ligne politique qui traversent tous les mouvements. La capitulation de SIRIZA face au chantage des banques en Grèce, les luttes de clan au sein de PODEMOS en Espagne, ou les dérives du Mouvement 5 étoiles en Italie, sont particulièrement instructives à cet égard.

Aussi, dans notre stratégie de lutte pour la souveraineté et l’émancipation, devons-nous combattre sans concession l’illusion qu’on gagnera du temps en réalisant des alliances politiciennes ou en privilégiant la carte de la personnalisation au détriment de l’organisation des masses. L’implication des masses dans la construction de l’alternative et l’organisation de la résistance, leur contrôle réel sur tous les processus décisionnaires restent la condition indispensable, incontournable et prioritaire de la libération et de l’émancipation. Cela est possible, par la formation et l’organisation de notre peuple au niveau de nos quartiers et dans les secteurs divers, comme dans la vie professionnelle, culturelle, économique et sociale. Nous défaire de toute forme d’illusion, consacrer nos compétences et notre énergie à la réalisation des taches véritablement déterminantes pour l’avancée de notre lutte de libération, c’est ainsi que nous servirons valablement notre peuple.

Pour le CNCP : Le Président, Jean ABAUL, le Porte-parole, Alain LIMERY, le Secrétaire, Léon SEVEUR, le responsable aux affaires extérieures, Robert SAE.

La Gauche indépendantiste bretonne organise vendredi 29 septembre un meeting de solidarité avec le peuple catalan.

Il est fondamental après les déclarations de Jean-Yves Le Drian en faveur d’une Espagne forte et unie que le bretons se mobilisent pour faire respecter le droit à l’autodétermination du peuple catalan.

On y parlera aussi de l’appel international de soutien au peuple catalan que nous avons initié et signer par de nombreuses organisations de nations sans état sous domination française et de la manifestation pour l’unité de la Bretagne qui se déroulera le lendemain à Nantes.

Nous recevrons Gautier Sabrià, membre de la CUP (Gauche indépendantiste catalane), pour nous expliquer la situation actuelle en Catalogne, où sera organisé dimanche 1er octobre un référendum d’autodétermination, malgré l’interdiction du pouvoir central de l’état espagnol. Gautier Sabrià nous expliquera le processus qui a amené à l’organisation de ce référendum, et il nous éclairera également sur la situation du Nord de la Catalogne situé dans l’état français.

Rendez-vous vendredi 29/09 à 20h00 au Centre culturel breton “Yezhoù ha Sevenadur” à Saint-Herblain / Sant-Ervlan (44).

Infos pratiques :


Tram ligne 3, Bus 50 & 54 — Arrêts “Sillon de Bretagne”, “Angevinière”.

A l’occasion d’une marche de solidarité avec le peuple catalan sur le Menez Bré en Bretagne, dans le cadre de l’université d’été de la Gauche Indépendantiste Bretonne, a été rendu public un document unitaire. Il s’agit d’un manifeste de solidarité avec le peuple catalan signé par de nombreuses organisations évoluant dans les nations sans état sous domination française. Il souligne les implications dans l’état français du processus catalan et appelle à renforcer le mouvement de solidarité avec le peuple catalan.

Manifeste de solidarité avec le peuple catalan.

Le 1er octobre, le peuple catalan est invité à se prononcer sur l’indépendance de la Catalogne dans le cadre d’un référendum auto-organisé dont la légalité est contestée par le pouvoir Espagnol.

Les mesures d’intimidation diverses se succèdent : perquisitions des entreprises susceptibles de fabriquer du matériel de vote, déploiement ostensible de l’armée et de la police espagnoles, tentative d’interdiction du site internet de promotion du référendum, convocation judiciaire de plus de 700 élus s’étant engagés à favoriser dans leurs communes la tenue du vote, restrictions du droit de réunion…

Nos organisations implantées dans des nations sans état sous domination française tiennent à réaffirmer leur soutien :

  • Au droit inaliénable et légitime du peuple catalan à choisir sans contrainte et sans peur son avenir.

  • Son droit à proclamer à l’issue de ce vote une république catalane indépendante.

Par ailleurs, elles invitent les démocrates, les peuples et les travailleurs du monde et en premier lieu dans l’état français à exprimer publiquement leur soutien au peuple catalan qui fait vaciller par sa détermination à voter un régime monarchique vieillissant issue de la dictature franquiste.

La contribution du peuple catalan à redonner du sens à la démocratie est incontestable. Le processus catalan pour l’indépendance est riche d’enseignements car il explique de façon éloquente que le droit à l’autodétermination ne se quémande pas mais qu’il s’exerce sans attendre l’autorisation des états ou de l’Union Européenne. Il redonne du sens aux concepts de souveraineté, d’auto-gouvernance, d’auto-organisation à un moment ou les échanges économiques mondiaux se construisent plus que jamais au mépris de l’avis des peuples et au détriment du plus grand nombre et de l’environnement.

Beaucoup d’organisations de libération des autres peuples sous domination espagnole soutiennent le processus catalan mais nous rappelons que l’état français aussi occupe une partie des pays catalans et lui nie tout droit à choisir librement son destin.

Notre solidarité internationaliste envers le peuple catalan ne connaît pas les frontières franco-espagnoles et nous affirmons également que les catalans comme tous les peuples sous domination française devraient pouvoir exercer eux aussi leur droit à librement se déterminer pour construire un autre modèle politique, social et environnemental aux bénéfices de la majorité pour se débarrasser du capitalisme, du colonialisme et de l’impérialisme.

Organisation signataires :

Catalogne : CUP Perpinya

Corse : A Manca

Flandres : V-SB

Bretagne : Breizh O Stourm (Gauche Indépendantiste)

Pays Basque : Euskal Herria Bai, Askapena

Martinique : CNCP, PKLS

Occitanie : Collectiu Comunista Combat Proletari

Guyane : MDES

Polynésie : Tavini Huiratira

 Guadeloupe : UPLG (Union Populaire pour la Libération de la Guadeloupe)

Vivian Petit est un militant anti-capitaliste et anti-impérialiste, originaire du Havre que nous côtoyons depuis de nombreuses années dans les mobilisations sociales à Rennes. Il est également investi dans la solidarité avec le peuple Palestinien.

Il vient de signer un ouvrage, préfacé par Julien Salingue, sur son expérience internationaliste : “Retour sur une saison à Gaza” chez Scribest. Il viendra présenter cet ouvrage le samedi 23 septembre à l’université de la Gauche Indépendantiste (vente et signature sur place). Nous lui avons posé quelques questions.

Bonjour Vivian. Ton livre est en partie un témoignage de ton séjour à Gaza, en 2013. Peux-tu nous dire dans quel cadre tu t’y es rendu ?

Bonjour. C’était en effet en 2013, je me suis décidé à y aller assez rapidement. Je n’imaginais pas pouvoir aller à Gaza un an ou deux avant mon voyage… Depuis 2006, Gaza est sous blocus terrestre et maritime, un siège mis en place par Israël mais aussi par l’Egypte. Mais la situation s’est un temps améliorée à partir de 2012, avec l’élection des Frères musulmans en Egypte faisant suite à la chute de Moubarak. En 2013, après avoir travaillé à Paris pour l’Agence Media Palestine et à Londres auprès de la représentation du Boycott National Committee, j’avais envie de retourner en Palestine (j’étais allé quelques années plus tôt en Cisjordanie et à Jérusalem, avec des membres de SUD-Etudiant). Puisque le passage de Rafah, où se situe la frontière entre Gaza et l’Egypte, n’était plus infranchissable à ce moment, j’ai décidé de saisir l’occasion.

Pour passer la frontière et obtenir un visa de la part des autorités gazaouies, il me fallait un emploi à Gaza et une organisation se portant garante du fait que je n’étais pas un espion (et dont le membre me « sponsorisant » risquait d’être inquiété si j’étais accusé d’avoir enfreint la loi). J’ai pu trouver un poste de chargé de cours en Français Langue Etrangère à l’université Al-Aqsa de Gaza, et un étudiant, membre de l’association Baraka City, s’est occupé de toutes les démarches vis-a-vis des autorités. Je suis arrivé à Gaza en février 2013. J’ai pu me lier aux militants de l’ISM, l’International Solidarity Movement, organisation de militants venus de différents pays, tentant comme ils le peuvent de soutenir la résistance des Palestiniens, par exemple en se rendant avec les paysans sur leurs terres lorsqu’ils risquent d’être attaqués.

Deux mois et demi après mon arrivée à Gaza, je suis allé passer une semaine en Egypte. Une semaine plus tard, lorsque j’ai voulu comme prévu retourner à Gaza, la carte de séjour d’un an qui m’avait été délivrée à Gaza par les autorités ne suffisait plus à ce que les garde-frontières me laissent passer. Après avoir fait des pieds et des mains pour tenter de passer la frontière les jours suivants, je suis finalement rentré en France au mois de mai 2013. Moins de deux mois plus tard, la frontière était finalement totalement fermée suite au coup d’Etat de l’armée en Egypte. Depuis, la situation n’a fait qu’empirer. De janvier à août 2017, le passage de Rafah (qu’un ami palestinien appelle maintenant le « barrage de Rafah ») est resté totalement fermée, à l’exception de 13 jours durant lesquels des Gazaouis ont pu passer au compte goutte pour se rendre en pèlerinage à la Mecque. Ces dernières années, pour couper tout contact entre le Sinaï et Gaza et éviter la reconstruction des tunnels, qui permettaient tout de même de passer cette frontière dans le dos de l’armée égyptienne, l’Etat égyptien est allé jusqu’à faire raser les habitations de la partie égyptienne de la ville de Rafah et à transférer les habitants à plusieurs dizaines de kilomètres de là…

La littérature sur la lutte de libération nationale du peuple palestinien est riche, en quoi d’après toi ton livre peut apporter un autre point de vue ?

Je ne suis probablement pas le mieux placé pour dire ce que mon livre aurait de plus ou de moins que les autres. Je peux par contre expliquer pourquoi il existe, et ce que j’ai tenté de faire en l’écrivant. Ce bouquin est centré sur Gaza, où rentrent peu d’étrangers en raison du blocus, et il se situe à mi chemin entre le témoignage et l’essai. J’essaie à la fois de faire un récit de ce que j’y ai vécu, de décrire la vie quotidienne à Gaza, et de mettre politiquement en perspective les évènements, sur le moyen terme. On ne compte plus les chroniques de la vie à Gaza tentant de nous surprendre en nous expliquant que Gaza est peuplée d’êtres humains comme les autres, avant d’insister sur le fait qu’il y a en dehors des massacres des jours très tranquilles… Pour ce qui est de la couverture de ce qu’il se passe à Gaza par les grands médias, celle-ci se borne le plus souvent à faire le récit des bombardements. Je tente de me détacher de cette temporalité médiatique, pour expliquer en quoi les bombardements sont le prolongement direct du siège et de l’étouffement de toute forme de vie.  Je tente d’expliquer en quoi ce qui est peu couvert (le siège, l’organisation de pénuries, les tentatives menées par Israël pour faire de certaines parties de la Bande de Gaza des zones désertiques, etc) peut au contraire permettre d’expliquer ce qu’il se passe lors des massacres en Palestine, dont les médias parlent beaucoup mais pour ne pas dire grand chose.


Peux tu en quelques mots expliquer en quoi il est incorrect de parler de « regain de tension » lorsque Israël utilise la force militaire en Palestine ?

Je crois avoir eu l’idée de ce livre à l’été 2014, au cours duquel 2 310 habitants de Gaza ont été tués par l’armée israélienne. Un peu plus d’un an après mon retour de Gaza, je reconnaissais certains des lieux bombardés sur les images diffusées par les chaînes d’information, tout en trouvant consternant le discours qui l’accompagnait, avec toute la série de poncifs sur un « regain de tension » ou un « cycle de la violence entre Israël et le Hamas ». Une partie du mouvement de solidarité en France reprenait en partie ce discours, s’en distinguant seulement en insistant sur l’asymétrie des forces en présence. Je pense au contraire qu’il n’y a pas de « cycle de la violence » ni de « regain de tension », tout au plus une routine du blocus, et une volonté israélienne d’étouffer Gaza, avec simplement des variations d’intensité dans les moyens employés selon les périodes.


Je peux citer quelques exemples. Les territoires les plus bombardés à l’été 2014 sont soit les infrastructures construites sur les terrains des anciennes colonies, que le blocus, les restrictions sur les importations ou les coupures d’électricité ont (entre autres) pour but d’empêcher de fonctionner, soit des territoires situés près des « frontières », dont Israël souhaiterait faire un 
no man’s land, prétextant des questions de sécuritéEn 2013, au sud est de la Bande de Gaza, à Kuza’a, j’avais vu des jeeps et des chars israéliens faire des aller-retour pour effrayer les habitants. L’un des paysans qui, malgré les menaces, continuait à se rendre sur ses terres (parfois en compagnie de militants internationaux), m’avait appris que seule la culture du blé était autorisée par Israël, qui menaçait d’attaquer Kuza’a si des arbres étaient plantés, car des « terroristes » pourraient se cacher derrière… Une française membre de l’ISM qui se rendait plus fréquemment que moi aux côtés de ces paysans de Kuza’a m’avait raconté les tirs des snipers qui se positionnaient près de Kuza’a, visaient régulièrement des animaux, ou tiraient près des paysans et de leurs familles pour les faire fuir… Ils avaient aussi menacé un jour de tirer sur une délégation internationale plus nombreuse qu’à l’accoutumée. Voilà donc ce à quoi ressemble une période de paix à Gaza. A l’été 2014, Israël a donné ordre aux habitants de Kuza’a, qu’ils souhaitent expulser depuis longtemps, de quitter leurs terres. 30% d’entre eux sont tout de même restés, sans qu’on sache combien l’ont fait pour résister, et combien n’avaient simplement aucun autre endroit où aller, ou étaient dans l’impossibilité physique de marcher plusieurs kilomètres. Suite à cela, en une nuit, plusieurs dizaines des habitants de Kuza’a restés dans leurs habitations sont morts sous les bombardements. Je pense qu’on comprend mieux ce qu’il s’est passé à l’été 2014 en sachant ce qu’il se passait un an avant, plutôt qu’en imaginant une période de paix qui aurait été rompue et dont ce massacre serait l’exact opposé…


On pourrait multiplier les exemples… En 2015, près de Kuza’a, à Al-Qarra, mais aussi à 
Wadi as-Salqa, au centre de la Bande, Israël a décidé de bombarder les terres agricoles en y déversant des pesticides… Certes, personne n’est directement mort de ces épandages le jour où ils ont eu lieu, mais connaître ces évènements pousse à mépriser d’avance toute personne qui, lors de la prochaine « opération » qu’Israël ne manquera pas de déclencher contre les habitants de la Bande de Gaza, affirmera que « le Hamas a rompu la trêve qui courait depuis 2014 »…


Quelles doivent être d’après toi les tâches prioritaires de ceux et celles qui s’affirment solidaires du peuple palestinien en Europe ?

Passées l’émotion et les grandes manifestations qui ont lieu lors des périodes de bombardements, il n’est pas toujours évident de faire perdurer le soutien concret à la résistance palestinienne. Ca me paraît cependant important, ne serait-ce qu’en raison de la continuité coloniale et policière des régimes. A ceux qui parlent d’« importation » de cette question en France, je rappelle que Vincent Auriol, président de la République française en 1948, raconte dans son journal que la raison principale du soutien de la France à la création d’Israël est qu’une victoire des Palestiniens aurait risqué de renforcer la lutte du FLN en Algérie … Je rappelle aussi qu’Israël est un modèle pour tous les pays occidentaux en ce qui concerne les interventions militaires, l’antiterrorisme et le maintien de l’ordre… Comme le dit un ministre israélien, « si Israël vend des armes, c’est parce que les acheteurs savent qu’elles ont été testées »…

Puisqu’il ne faut pas se contenter d’incantations sur la révolution mondiale, se rendre en Palestine est parfois utile, pas seulement parce que cela permet de percevoir plus finement les enjeux et de témoigner à son retour, mais aussi parce que certaines actions sur place peuvent produire des effets. Par exemple celles consistant à assurer une présence sur des terres ou dans des maisons dont les habitants sont menacés d’être expulsés pour être remplacés par des colons.

Pour ce qui est des actions menées en Europe, si je suis favorable au boycott des produits israéliens, ce n’est pas parce que je croirais dans la possibilité d’une moralisation du capitalisme, mais parce que cela s’inscrit dans une campagne politique, Boycott, Désinvestissements, Sanctions, appellant à faire preuve d’une solidarité internationale en tentant de faire payer le prix de l’occupation à Israël comme à ses complices. Pour ce qui est des manières dont des militants tentent de s’en prendre concrètement aux responsables de l’occupation de la Palestine, des sabotages menés contre des usines d’armements en Grande-Bretagne lors de l’opération « Plomb durci » sont un exemple (les militants du collectif Smash EDO et de l’International Solidarity Movement interpellés après cette action avaient d’ailleurs été relaxés lors de leur procès, le tribunal reconnaissant que leur action avait pour but d’empêcher des crimes de guerre). Le blocage de cargos israéliens en Amérique du nord à l’été 2014 en est un autre.

Dans les entreprises françaises complices de l’occupation et de la colonisation, on peut prendre l’exemple de Véolia. De 2005 à 2015 (date de la fin de ses activités en Palestine occupée), pendant que des Palestiniens sabotaient parfois les infrastructures du tramway (reliant Jerusalem ouest aux colonies israéliennes en territoires occupés) pendant des manifestations, les pressions populaires sur les élus ont fait perdre à Véolia près de 15 milliards de dollars de contrats signés avec des municipalités du monde entier. Il y a aussi Orange, qui a alimenté en Cisjordanie les antennes et les relais implantés sur des terres confisquées aux Palestiniens pour les communications de l’armée israélienne et des colons, et qui a même parrainé deux unités de l’armée israélienne lors du massacre à Gaza en 2014… En 2015, Orange a perdu de gros contrats en Égypte, a été boycotté au Maroc, et des rassemblements répétés devant ses boutiques en France ont parfois contraint les gérants à baisser momentanément le rideau. A la suite de cela, Orange n’a pas renouvelé son contrat avec Partner Communications, leur entreprise israélienne partenaire. Il y a aussi une campagne contre AXA, qui est actionnaire de trois banques israéliennes ainsi que d’Elbit Systems, l’une des principales sociétés d’armement israéliennes (celle là même qui est accusée d’avoir fabriqué les bombes au phosphore blanc qui ont servi à bombarder Gaza…). Il y a aussi les actions contre le salon de l’armement à Paris, la critique de la manière dont la Palestine sert de laboratoire à l’évolution des techniques de contre-insurrection … A Rennes, des étudiants de Sciences-Po mènent une campagne contre le partenariat de leur école avec l’Université de Tel Aviv, qui, comme toutes les universités israéliennes, est engagée dans des programmes de recherche militaire.


Enfin, les campagnes pour la libération des 7 000 Palestiniens emprisonnés par Israël me paraissent elles aussi importantes, même s’il est difficile d’en mesurer les effets. Il y a d’ailleurs un rassemblement ce 20 septembre à Rennes, pour la libération de Salah Hamouri, militant franco-palestinien emprisonné par Israël sous le régime de la détention administrative… Et des manifestations régulières à Lannemezan, dans le sud de la France, où est incarcéré Georges Ibrahim Abdallah, militant libanais emprisonné depuis 33 ans par la France, pour 
complicité dans des actes de lutte armée revendiqués par un groupe d’extrême-gauche libanais, des actes qui répondaient à l’invasion israélienne du Liban en 1982.

Libérez Georges Ibrahim Abdallah !
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