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Jean-Luc Mélenchon

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Une adresse aux “insoumis” par un militant de la Gauche Indépendantiste….

L’idée de ce texte et des autres qui suivront n’est pas de faire une analyse de la campagne présidentielle. Nous ne parlerons pas des programmes, des chiffres, des sondages, de qui, peut-être dans le pseudo-suspens d’un grand chambardement, fera se perpétuer tranquillement et dans l’ordre la tristesse de notre monde. Nous reviendrons plutôt en détail sur les différents aspects qui alimentent notre rejet profond des élections de 2017.

Il parait que des gens du Front de gauche – la France insoumise qu’ils s’appellent maintenant – chantent l’International en ajoutant à la partie « Ni dieu, ni César, ni tribun », « Ni Mélenchon ». Amusant comme on peut être juge et partie d’un culte de la personnalité, sans doute une forme d’humour par l’absurde. Mettre le nom et la gueule de quelqu’un partout, s’imaginer que lui donner le pouvoir le plus absolu en France représente une émancipation collective, attendre avec impatience la victoire du sauveur… et être insoumis-e, voilà qui est pour le moins intriguant.

Etre insoumis-e en dépendant d’un homme providentiel, quand bien même de gauche ? Ou peut-être que le fait qu’il soit de gauche excuse tout. Notamment qu’il vienne du PS, qu’il y ait forgé sa carrière politique et médiatique. Peut-être cela excuse aussi que le tribun en quête de pouvoir ne lève pas la voix sur les méthodes coloniales de la police française qui font s’agiter la jeunesse depuis plusieurs semaines.

Accordez-lui au moins une forme de logique et de constance, il n’a pas soutenu les élans insurrectionnels contre la loi travail, il ne soutiendra jamais aucune émeute, lèvera toujours la voix contre les « casseurs », contre les zadistes qui lui jettent de la boue, en les traitant de fascistes, il parlera de manipulation de la police ou de l‘extrême droite quand il y aura de la violence en manifestation. En somme il continuera de faire ce qu’il a toujours fait, se battre corps et âme pour sa prise de pouvoir et le maintien de l’ordre dans lequel il compte bien régner. Masses laborieuses en colères restez chez vous, regardez Mélench’ à la télé, ne vous exprimez pas, ne vous organisez pas, regardez, il est en train de le faire pour vous. Participez à l’action dans le cadre défini, la participation à sa campagne, et le vote pour lui évidemment.

Ce qui énerve beaucoup avec Mélenchon c’est l’aspect gauche tamponnée « autorisée à la consommation ». Il faut bien quelqu’un d’un peu gauche pour barboter dans le bain médiatique au nom du pluralisme et de la démocratie. C’est intéressant d’avoir quelqu’un pour absorber les ruptures qui se consomment au fur et à mesure des années. Plutôt que d’aller vers la marge et le combat de terrain, regardez Mélenchon, de la gauche qui brille, qui doit être crédible puisque médiatique. Ses grandes saillies sociales font même souvent oublier le cadre de sa pensée globale, celle qui lui donne aussi l’accès aux médias, celle qu’on a du mal à ne pas voir depuis les marges bretonnes.

On a du mal par exemple à apprécier ses déclarations sur l’empire colonial français, lui qui vante une France dont le littoral s’étend sur toutes les mers du monde. De la punchline à la Mélench qui concurrencerait même les tournures du style, « le soleil ne se couche jamais sur l’empire britannique », « la Méditerranée traverse la France comme la Seine traverse Paris », et autres métaphores merveilleuses de l’histoire coloniale. Et rappelons qu’à propos des échanges sur la colonisation crime contre l’humanité, le tribun ose dire qu’il faut peser ses mots, son porte-parole que ces genres de propos n’ont pas de sens…

On a d’ailleurs hâte d’entendre Mélenchon discuter avec Oscar Temaru, indépendantiste polynésien lui aussi candidat à l’élection. L’ONU considère au passage à nouveau la Polynésie comme territoire à décoloniser. Son talent d’orateur sera bien utile pour lui expliquer face caméras les bienfaits de la France internationale qui a ses côtes sur tous les océans, notamment grâce à la Polynésie, la Kanaky, la Guyane, la Martinique… Territoires français n’est-ce pas, rien à voir avec la colonisation.

Et sur la colonisation intérieure on a du mal à digérer en Bretagne les phrases de Mélenchon sur la langue bretonne. Qu’il vienne dans les troquets et sur les marchés de Scaër, Melrand, Brasparts, Douarnenez, Lannion ou autres, qu’il vienne expliquer aux vieux et aux jeunes parlant breton que leur langue est une langue d’intellectuels sur-unifiée créée par les nazis pendant la guerre comme il aime à le dire. Heureusement pour lui, toutes ses positions ultra nationalistes républicaines n’apparaissent que très peu dans les débats. Et pour cause, ces positions sont la norme des gens qui barbotent entre eux sur les plateaux télés parisiens. Qui donc porterait, à lui ou à quelqu’un d’autre, la contradiction sur ces idées ? Personne, c’est plus simple, la contradiction n’existe pas, donc le problème n’existe pas non plus.

Le problème Mélenchon est une chose, le problème des gens qui le soutiennent en est une autre. Mais avec eux au moins on peut discuter, ils sont plus proches de nous, c’est-à-dire dans le monde réel et pas dans les stratosphères du tribun providentiel. Alors on vous le demande, vous qui allez voter pour Mélenchon, vous étiez dans la rue contre la réforme des retraites, contre la loi travail, vous avez soutenu la ZAD, vous tentez de faire de l’action de terrain et de la politique concrète ? Et puis quoi, vous allez voter pour lui, et il va perdre, et vous serez déçus. Et vous aurez gâché un dimanche et de l’espoir en un flan médiatique qui finira par retomber. Autant rester dans la rue plutôt que de passer par l’isoloir.

Mais on peut faire les deux disent certain-e-s, l’un n’empêche pas l’autre. Sauf que si très concrètement, l’un empêche l’autre. Vous verrez, s’il faut mettre en œuvre une contestation de gauche face à un pouvoir mélenchonien, vous verrez que les rangées de CRS de la France insoumise feront vite se rappeler des positions de Mélenchon sur l’ordre, l’autorité, les vilains casseurs. A moins de penser qu’avec le sauveur tout ira pour le mieux dans le meilleurs des mondes, il fera tout parfaitement bien, lui l’homme du PS c’est l’ami du peuple n’oublions pas. Peut-être qu’il n’y aura pas besoin, ou pas le droit, de contester. Accordez nous au moins le doute sur cet avenir en commun incertain.

Entre l’isoloir présidentiel et la rue, on peut même dire que l’un est utile et que l’autre ne sert à rien. Enfin si, l’isoloir sert à resserrer les liens autoritaires de la fausse fraternité républicaine, celle de l’ordre, que Mélenchon acclame sans cesse. Celle du triptyque de la politique sérieuse, entre médias où nous avons le droit d’écouter, isoloirs où nous avons le droit de voter, CRS qui s’assurent que nous n’ayons le droit de ne rien faire d’autre. En somme la politique à son cadre, celui dans lequel se trouve Mélenchon, celui que nous voulons faire voler en éclat.

Mais attention, pointe révolutionnaire oblige, Mélenchon va nous changer de République, du balais ! Il s’est même permis depuis plusieurs années de reprendre honteusement les slogans de révoltes populaires, « dégage », « qu’ils s’en aillent tous » – on insiste sur le « tous » – pour dire : ‘virez les et mettez moi à leur place’. Au départ il vantait la révolution citoyenne, puis la nouvelle constitution sans révolution, mais vous remarquerez l’absence de différence réelle entre les deux concepts. Un vrai braquage digne du grand banditisme, ramener des gens en rupture avec la Ve république à participer activement à son système électoral au nom d’une VIe république portée par quelqu’un qui ne sera pas élu et qui donc ne la fera pas. Nous, on propose de s’écarter toujours plus de cette république capitaliste coloniale, qu’importe le numéro que l’on met devant, alors que la campagne de Mélenchon aura le grand avantage de ramener toujours plus de gens dans son orbite.

Car au final, si même Mélenchon n’avait que des bonnes positions sur toutes les thématiques émancipatrices pour les individus, les communautés et les peuples que nous défendons, quel serait l’intérêt ? Il est intriguant de voir toujours plus de gens chercher à défendre l’action de terrain, l’émancipation locale politique, économique, culturelle, sociale, et continuer à regarder vers Paris. Si vous laissez la politique dans les plateaux télés et les institutions parisiennes n’imaginez pas qu’elle vous laissera des espaces de libertés et d’actions. Voter pour ça, c’est renforcer sa légitimité. Les espaces de libertés se construisent sur le terrain et de multiples façons, toutes différentes et interdépendantes. L’élection présidentielle à l’inverse c’est un nuisible, un élément et un évènement extérieur, là où se change le visage de la personne incarnant le pouvoir qui fait la chasse à ces espaces.

Ou peut-être faut-il être réaliste, se dire que le pouvoir est là dans la présidentielle et qu’il faut faire avec, jouer le jeu ou disparaitre. Et bien vive la disparition. Car voter pour un des perdants ne pourra jamais enlever la crédibilité globale que cela donne au gagnant-e du fait de la participation à l’élection en elle-même. Et il faut aussi être réaliste pour comprendre que ce pouvoir ne sera jamais là pour nous servir mais toujours là pour que nous le servions. Nous, on propose de prendre les voiles et d’agir sur notre territoire, on propose l’échelon Bretagne. Rejoignez-le ou pas, si vous agissez localement sur ce territoire vous y êtes déjà. Mais cessez donc de laisser à Paris le droit de nous gouverner. Un préfet nommé par un pouvoir mélenchonien reste un préfet.

ALC.

 

La Gauche Indépendantiste ne donne jamais de consigne de vote aux élections présidentielles françaises. Pour nous, plus le nombre de bretons se désintéressant de ce scrutin est élevé, plus il est évident que la déconnexion avec l’état central s’accentue et cela ne peut qu’être bénéfique sur le long terme.

Notre libération nationale et sociale en tant que peuple breton ne trouvera jamais sa place dans ces urnes là. Cette année, plus que jamais, de nombreux électeurs sont tentés par l’abstention tant les candidats semblent peu crédibles et rivalisent de discours ultra chauvins, ultra libéraux et sécuritaires sur fond de corruption et d’affairisme. Nous ne pouvons que les comprendre.

Toutefois, par internationalisme conséquent, si Oscar Temaru – indépendantiste Polynésien – réussissait à obtenir ses 500 signatures nous invitons à glisser son bulletin dans l’urne, pour soutenir la juste lutte contre l’impérialisme et colonialisme français en Polynésie et pour permettre ainsi de mettre en lumière le caractère plurinational de l’État français.

Dans le cas ou il ne serait pas candidat, et dans tous les cas de figure au deuxième tour des présidentielles, comme aux deux tours des législatives, nous invitons nos adhérents et sympathisants à prêter une oreille attentive aux campagnes de boycott et d’abstention en cours.

Le 21/02/17, la Gauche Indépendantiste.

On entend beaucoup parler de Houria Bouteldja ces derniers temps suite à la sortie de son livre “Les blancs, les juifs et nous” (que nous n’avons pas lu). Comme à l’accoutumé on entend moults accusations des médias et commentateurs autorisés visant à démontrer qu’elle et son parti le Parti des Indigènes de la République seraient racistes et antisémites. Nous ne sommes pas sur de partager toutes les idées du PIR.

Mais nous sommes surs d’une chose, ce sont les mêmes commentateurs, portes-plumes de la Gauche Coloniale française et autres Mélenchonistes qui jettent systématiquement l’opprobre sur les revendications bretonnes (pour ne citer qu’elles) en les assimilant à des remugles fascisants.

La même Gauche Coloniale Française décrépie dont le superdupont Mélenchon est toujours prête à excuser les propos racistes et néocolonialistes des “élites” françaises.

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Dans le texte qui suit, publié début mars sur le site du PIR, Houria Bouteldja explique en quelques exemples parlants le caractère plurinational de l’État français. Mais surtout elle trace des pistes de convergences avec ceux et celles qui revendiquent des droits nationaux spécifiques pour les bretons, les corses, les basques et ce tout en tordant le cou à l’extrême-droite identitaire.

Bretagne-info.

OLYMPICS BLACK POWER SALUTE

Cette intervention a d’abord été faite lors de la conférence : « Une histoire de l’Europe décoloniale et des peuples sans États », 19 et 20 février 2016, université de la Corogne / Espagne, puis le 5 mars 2016, à Barcelone dans le cadre des conférences : « La frontière comme centre. Zones d’être et de non être »

Merci aux organisateurs pour cette invitation qui m’honore. J’adresse un salut fraternel à la lutte des peuples sans États dont il sera question dans ce colloque.

Je vais vous parler à partir de mon expérience française et plus précisément de mon expérience de militante politique post-coloniale en France. J’appartiens à une organisation décoloniale dont l‘objectif est de construire ce que nous appelons une « majorité décoloniale ». Le PIR a pour ambition de défendre les intérêts d’une communauté de destin qui est issue de l’empire colonial et qui est constituée majoritairement de Maghrébins, de Musulmans, d’Africains sub-sahariens et d’Antillais. Comme l’a dit récemment un politologue connu, Emmanuel Brenner, pseudo de Georges Benssoussan, et auteur d’un livre réactionnaire qui a fait couler beaucoup d’encre, « Les territoires perdus de la république » : ces communautés qui vivent majoritairement dans les banlieues pauvres de France sont un peuple parallèle[1]. Dans la bouche de ce politologue, lorsqu’il dit « émergence d’un nouveau peuple », bien entendu, il sous-entend qu’il y a un là un danger qui menace la nation, qui met en péril la cohésion nationale.

Je voudrais commencer mon propos avec trois anecdotes footballistiques :

1/ La première anecdote, c’est celle du match France/Brésil de 1998. Comme vous vous en souvenez sûrement, la France a gagné la coupe du monde avec Zinédine Zidane à la tête d’une équipe de France très basanée. La France entière a soutenu avec ferveur son «équipe nationale ». Que ce soit les français dits de souche ou les Français d’origine coloniale. Les uns soutenaient la France, les autres soutenaient des joueurs issus des quartiers populaires. C’est-à-dire, des gens qui leur ressemblaient.

2/ La deuxième, c’est le Match France/Algérie de 2002 qui a eu lieu à Paris. L’Algérie perdait ce match. Ce qui s’est passé est inoubliable. Les supporters, en grande partie Français d’origine algérienne, ont envahi le stade et l’ont empêché de se terminer. Pour les jeunes d’origine algérienne qui pourtant sont français, cela constituait une très grande humiliation. Ils ont préféré saboter le match plutôt que de subir l’affront et le déshonneur. Je vous fais remarquer que bien que Français, ils n’étaient pas là pour soutenir l’équipe nationale mais l’équipe algérienne. A l’époque, le gouvernement français s’en est fortement ému, lui qui organisait cette rencontre dans un but de « réconciliation ». Vous connaissez tous le traumatisme de la guerre d’Algérie côté algérien pour le sacrifice humain qu’elle a représentée et côté français pour la perte de ce territoire, qui valait perte de prestige et d’hégémonie. Vous comprendrez comme moi que ce n’est pas un simple match qui allait résoudre un tel contentieux historique, mais les politiques adorent la cosmétique.

3/ La troisième, ce sont les huitièmes de finale de la coupe du monde 2014 qui a opposé l’Algérie à la Russie. Lorsque l’Algérie s’est qualifiée, les rues de Paris ont été envahies par des dizaines de milliers de jeunes et moins jeunes d’origine maghrébine qui ont déferlé de leurs banlieues pour manifester leur joie et leur fierté. Je ne suis pas fan de foot mais je peux vous dire que j’ai participé à la fête. A la suite de cette gigantesque manifestation de soutien explicite à un pays anciennement colonisé, j’ai publié un post facebook dans lequel j’ai écrit : « une nation dans la nation »[2].

Un post que nous pouvons mettre en parallèle avec les mots de Brenner qui a parlé de « l’émergence de deux peuples ». Les deux expressions se ressemblent et pourtant elles ne disent pas la même chose. Les constats sont sensiblement les mêmes mais sont exprimés par deux personnes appartenant à deux sensibilités politiques antagoniques et irréconciliables. Car le premier exprime l’idée que la ségrégation sociale, spatiale, raciale et politique est le produit de la volonté des habitants des quartiers eux-mêmes. Ils auraient des velléités séparatistes. Alors que dans ma bouche, cela signifie bien autre chose : que le tiers-peuple, ségrégué et méprisé, résiste. A la relégation coloniale, il répond par la fierté identitaire.

Vous n’ignorez pas que la France subit depuis quelques années et en particulier depuis 2015, une vague d’attentats criminels qui ont visé les communautés juives, Charlie Hebdo mais aussi des citoyens lambdas comme ce fut le cas le 13 novembre 2015. Les criminels sont pour la plupart issus des quartiers dont je viens de parler. Manuel Valls, ministre de l’intérieur a alors fait une déclaration surprenante : il a dénoncé l’apartheid social dont sont victimes les habitants des quartiers validant ainsi l’idée que le terreau des actes terroristes se trouve dans la détresse sociale. Pour la première fois, au sommet de l’Etat, un ministre en fonction a avoué ce que des générations de militants issus de l’immigration disent depuis des décennies sans jamais se faire entendre.

En effet, cette ségrégation sociale et raciale est inhérente aux choix économiques et politiques de l’Etat français depuis la fin de la deuxième guerre mondiale et l’avènement des indépendances africaines. « Indépendances » comme vous le savez n’a jamais signifié fin de la colonisation. La France, soutenue par le grand parrain américain, tout comme l’Europe, n’a jamais renoncé à son pré carré africain. Le processus de décolonisation n’est donc pas achevé car toute révolution est suivie d’une contre-révolution. Ainsi les révolutions décoloniales ont toutes été suivies d’une contre révolution coloniale. Au PIR, nous pensons que nous vivons ce moment de la contre-révolution coloniale. Je ne vais pas m’étendre là-dessus. Vous savez aussi bien que moi la recolonisation du monde, les deux guerres en Irak, la Lybie, le Mali, le Congo ou la Syrie…

S’il y a un monde colonisé de l’extérieur, il y a un monde colonisé de l’intérieur. C’est ce groupe social et historique que nous appelons, nous, « les indigènes de la république ». Nous existons comme sujets politiques spécifiques, c’est-à-dire à la fois comme français de statut mais aussi comme sujets coloniaux à cause de ce que nous appelons le « pacte racial » de la république, et cela est devenu patent depuis la marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983. Depuis cette marche qui a été déclenchée à cause des crimes policiers, nous n’avons jamais quitté la scène politique. Soit comme acteurs transformant les rapports politiques par nos luttes et nos résistances, soit comme obsessions et enjeux politiques entre les mains des grandes formations au pouvoir. Nous sommes clairement un problème. La France républicaine est certes réputée être une grande lessiveuse. Elle intègre depuis des centaines d’années des vagues d’immigrés qui effectivement ont pris souche et qui sont considérés comme parfaitement français. Avec les populations issues de l’ex-empire colonial, la digestion est très difficile, pour ne pas dire impossible. La république française a même plutôt tendance à nous vomir comme si nous étions un corps inintégrable, définitivement étranger. Effectivement, nous sommes les objets d’une politique paradoxale : la France nous somme de devenir français, c’est-à-dire Blancs, mais en même temps, elle nous le refuse par un tas de dispositifs économiques, politiques et idéologiques. Sur le terrain des luttes, aucune des revendications des quartiers n’est prise au sérieux : les crimes policiers, le racisme d’Etat sous sa forme islamophobe, négrophobe ou romophobe qui a pour conséquence plus de chômage, plus de discriminations au logement et j’en passe. J’ajoute que si parfois ces questions sont en partie prises en compte dans une partie de la gauche radicale, elles ne sont jamais centrales, voire parfois méprisées par celle-ci. Les conséquences politiques de cet aveuglement sont extrêmement graves. Vous vous souvenez tous des émeutes de 2005. Pour ma part, je me souviens avoir été frappée par des jeunes émeutiers brandissant leur carte d’identité et affirmant qu’elle ne leur servait à rien. L’abandon des populations fragiles crée ce que Sadri Khiari appelle un « tiers-peuple » qui progressivement commence à constituer un corps social spécifique avec ses propres intérêts à défendre, intérêts qui souvent entrent en conflits avec un autre corps social qui est celui des prolétaires blancs. Le racisme n’est pas une idée abstraite. C’est un système. Le pacte national français est aussi un pacte racial qui défend les privilèges même relatifs du prolétariat blanc. Sauf que les intérêts de ce prolétariat blanc sont aussi menacés non pas par les immigrés et leurs enfants mais par le libéralisme. Hier, la ministre du travail, Myriam El Khomri, a fait une proposition extrêmement dangereuse qui détricote les acquis sociaux de l’après-guerre. C’est sûrement le plus grand coup donné au monde du travail. Inutile aussi de vous rappeler l’épisode grec dans lequel le peuple a tout simplement été sacrifié.

Il n’y a pas de solutions miracles à cette offensive. Pour autant, soyons gramsciens et parions sur l’optimisme de la volonté. Les alternatives existent.

Cela passera nécessairement par un combat radical et sans concession contre l’impérialisme. Un mouvement anti-guerre est en train de naître en France. Le PIR en fait partie. Mais cela passera aussi par une remise en cause radicale des instruments de l’impérialisme : les Etats-Nations qui toujours choisissent une partie du peuple sur laquelle ils fondent leur légitimité contre les autres composantes de ce même peuple. En France, cela passera d’abord par l’émergence d’une force politique autonome des quartiers et des immigrations post-coloniales. Ensuite, par une politique d’alliance. Non seulement avec les plus pauvres et déclassés du prolétariat blanc si, à l’attrait d’un nationalisme de droite, ils préfèrent la lutte contre le libéralisme, mais aussi avec les autres peuples de France, les autres groupes culturels écrasés par plusieurs siècles de jacobinisme forcené et qui résistent. Je pense aux Basques, aux Corses, aux Bretons, aux Alsaciens… Je n’ignore pas bien sûr les contradictions qui structurent les mouvements autonomistes. Je sais qu’ils sont traversés à des degrés divers par deux lignes de fracture indépendantes l’une de l’autre : indépendantisme/régionalisme, extrême-droite/gauche. Nous ne pouvons pas oublier les récentes ratonades qui ont eu lieu en Corse. Il est évident que dans une perspective de convergence, un mouvement décolonial ne pourra jamais s’allier avec des nationalistes/régionalistes de droite ou d’extrême droite. En revanche, des convergences avec des nationalistes de gauche sont tout à fait envisageables, bien que je préfèrerais parler de « nationalismes décoloniaux », tant ils n’ont rien de commun avec la gauche jacobine et coloniale.

C’est ce type de perspective qu’au PIR nous appelons : « internationalisme domestique »

Houria Bouteldja

[1] http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2015/08/14/31003-20150814ARTFIG00248-georges-bensoussan-nous-assistons-a-l-emergence-de-deux-peuples.php?redirect_premium

[2] A ce propos, lire l’excellente analyse de Malik Tahar-Chaouch : http://indigenes-republique.fr/la-coupe-du-monde-football-race-et-politique-2/

Kaoz zo bet deus manifestadeg ar Bonnedoù Ruz e Karaez en Taol Lagad, keleier Frañs 3 e brezhoneg. E-touesk an dud aterset, adkavomp aze Gael Roblin, ezel eus an Tu Kleiz Dizalc’hour.

Le sujet d’An Taol Lagad du lundi 2 décembre portait sur la manifestation des Bonnets Rouges à Carhaix. Plusieurs personnes ont été interviewées en breton, dont Gael Roblin, membre de la Gauche Indépendantiste.

 

Le rassemblement des bonnets rouges à Carhaix/Karaez a rassemblé plus de 30 000 personnes pour « Vivre Travailler et décider en Bretagne ».

Comme prévu la Gauche Indépendantiste a pris part au Pôle Ouvrier qui a rassemblé plus de 1000 personnes, dont de très nombreux salariés de l’agroalimentaire en lutte contre les licenciements , ainsi que des militants anticapitalistes (NPA,…).

 Avant le départ de ce cortège plusieurs prises de parole ont eu lieu devant la gare de Carhaix/Karaez, d’abord au nom du comité pour la défense de l’emploi en Centre-Bretagne puis celles des ouvriers de Gad, Tilly Sabco, Doux, des Marine Harvest, celle du syndicat SLB (Syndicat des Travailleurs de Bretagne), de la CGT Marins grand ouest et enfin celle de la Gauche Indépendantiste lue par Gael Roblin.

Nous la reproduisons ici.

Dans les heures qui viennent nous publierons un compte rendu plus important de ce grand rassemblement.

 

La rédaction de Bretagne-infos.org

La Gauche Indépendantiste a tenue à mobiliser aujourd’hui dans le cadre du Pôle Ouvrier de la manifestation pour « Vivre Travailler et Décider en Bretagne » pour rappeler notre entière solidarité avec ceux et celles de Doux, GAD, Tilly Sabco, Marine Harvest notamment.

C’est d’une solidarité de classe dont nous parlons. Celle qui doit unir le peuple travailleur de Bretagne pour imposer des choix économiques et sociaux qui lui sont favorables.

Le peuple travailleur de Bretagne ce sont les ouvriers et ouvrières mais aussi la petite paysannerie, les salariés de la grande distribution, les petits artisans et commerçants, les étudiants, les  chômeurs et précaires, les enseignants, et employés des services publics de proximité… Nos intérêts sont communs.

Ce ne sont pas les intérêts de ceux qui ont accumulé du capital pendant 40 ans en défendant un modèle agricole à bout de souffle et qui maintenant licencient.

En plus d’avoir été licenciés on vous a insultés.

Ainsi vous seriez des esclaves manipulés par vos maitres, vous ne seriez pas assez intelligents pour comprendre que nous n’avons pas les mêmes intérêts que ceux qui vous licencient.

Vous seriez manipulés par le clergé…

Vous ne seriez pas capables de comprendre que d’autres choix sont possibles, pourtant c’est vous à travers le comité pour la défense de l’emploi en centre Bretagne qui le dite le plus clairement aujourd’hui. Pour Vivre Travailler et décider en Bretagne :  il faut interdire les licenciements.

C’est pourtant vous qui avez les premiers soulignés que l’application de l’écotaxe seraient impactés par les grands distributeurs sur les biens de consommation des masses populaires. Il est évident que pour les hausses de la TVA il en sera de même.

Vous ne seriez pas capables de comprendre que c’est par ce que certains envoient la matière première se faire transformer en Allemagne ou n’existe pas de salaire minimum qu’il y a moins de travail ici.

Pourtant jamais la revendication de la réquisition ouvrière des moyens de production n’a été aussi pertinente et c’est vous qui la mettez en avant aujourd’hui, si c’est les ouvriers qui contrôlaient les entreprises ils ne feraient pas de tels choix.

Pour collectiviser les entreprises bénéficiaires qui licencient alors qu’elles font des profits il faut bien sur mettre en place la réquisition ouvrière, mais pour le faire il faut que le peuple travailleur de Bretagne maitrise les outils de productions mais aussi son cadre de vie : la Bretagne.

Alors là oui tous ensemble nous pourrions construire une démocratie locale ou la priorité serait les intérêts du plus grand nombre et non d’une minorité, une démocratie locale ou nous pourrions taxer (par exemple) les résidences secondaires des riches qui sont vides 11 mois sur 12 alors que nous peinons à payer nos loyers et ainsi aider au maintien de l’emploi ouvrier et financer un autre modèle agricole paysan de proximité respectueux de l’environnement.

Les institutions régionales actuelles ne servent à rien ou presque, en tous cas elle ne servent pas les intérêts du peuple travailleur de Bretagne. Savez vous que le conseil régional de Bretagne a voté une subvention de 29 millions d’euro pour financer le projet contesté d’aéroport de Notre dame des Landes mais défendu par le MEDEF 29 il y a encore quelques jours, pour détruire ainsi 2000 hectares de terres agricoles et les livrer à une multinationale ?

Si le peuple travailleur de Bretagne contrôlait les institutions locales nous aurions sans doute utilisé cette somme pour maintenir l’emploi ouvrier, en réindustrialisant le site de Marine Harvest par exemple  !

Il nous faut imposer le contrôle ouvrier et populaire dans les entreprises mais aussi dans notre cadre de vie à tous : la Bretagne !

Quelques mots de remerciements à ceux de Doux,  Gad, de Marine Harvest de Tilly Sabco qui sont là malgré les licenciements et l’angoisse de l’avenir qui doit étreindre le cœur de pas mal d’entre vous.

Merci au comité pour le maintien de l’emploi en centre Bretagne qui en mettant en place un Pole Ouvrier a remis au cœur du débat ce qui compte le plus : les intérêts de la classe ouvrière et du peuple travailleur de Bretagne et sa capacité à s’auto-organiser.

Cette unité aujourd’hui doit nous permettre de continuer ensemble demain pour refuser la fatalité et reprendre notre avenir en main. Pour construire l’unité populaire pour pouvoir vivre, travailler et décider en Bretagne pour notre intérêt de classe. Nous pourrions par exemple, nous retrouver pour construire une grande marche ouvrière et populaire sur ce thème pour interdire les autres licenciements qui s’annoncent dans l’automobile, dans l’électronique et toujours et encore dans d’autres boites de l’agroalimentaire dans le Finistère, mais aussi à St Nazaire, à Rennes… et ailleurs… pour imposer l’augmentation des salaires et leur indexation sur les prix, pour refuser les taxes injustes qui comme la TVA sont une attaque de plus contre le niveau de vie des couches populaires, pour la solidarité avec les chômeurs et précaires, pour défendre les services publics de santé ou d’éducation face à la politique d’austérité et pour construire une démocratie de proximité ici en Bretagne !

Luttons et nous vaincrons !

Gael Roblin pendant la prose de parole
Gael Roblin pendant la prise de parole