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Les Damnés de la Terre

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Face à la réticence des Martiniquais à participer aux élections européennes, le pouvoir français et ses relais locaux mettent tout en œuvre pour faire croire que l’intégration de notre pays à l’union européenne constitue une chance. Ils font tous miroiter les subventions de l’Europe sensées nous porter la prospérité. Tous font languir sur l’accès au grand marché européen qui permettrait l’écoulement de nos maigres productions. Il n’y a là rien de bien nouveau.  En réalité l’intégration de notre pays a commencé depuis longtemps et est menée quotidiennement. Les effets négatifs de cette intégration combinée avec ceux de notre situation de colonie de la France soulignent avec force notre état de dépendance avec ses terribles conséquences : Une agriculture coloniale caractérisée par une quasi monoculture bien profitable au lobby béké de la banane, un mépris total de notre biodiversité, un secteur industriel rachitique, une économie anesthésiée, une dépendance alimentaire renforcée, une importante croissance de l’importation avec le déversement massif de produits européens dans les grandes surfaces qui pullulent avec comme conséquence la disparition de toute production martiniquaise, de nos artisans, de nos cultivateurs, de nos marins pécheurs…

Force est de constater que la politique du président Macron s’inscrit avec virulence dans la continuité de celle de tous ses prédécesseurs, elle sert les nantis et elle aggrave la situation des plus malheureux. C’est bien cette économie coloniale qui est à l’origine du chômage endémique générant plus de 50 000 chômeurs, d’une émigration massive de notre jeunesse facteur du vieillissement inquiétant de notre population. Cette intégration à marche forcée à l’Europe c’est aussi l’installation soutenue d’européens, l’acquisition pernicieuse de notre terre par des étrangers. C’est aussi le renforcement de l’entreprise d’aliénation de notre peuple invité à se renier et à se fondre dans la culture de l’autre. C’est l’étouffement de notre personnalité, prémisse de la liquidation de notre peuple en tant que tel. C’est aussi cette Europe mortifère pour notre pays qui emboite le pas à la puissance coloniale française, qui nie notre droit à disposer de nous-mêmes, qui nie notre existence, qui légifère, qui réglemente, dans le moindre détail nos vies comme par exemple dans le domaine alimentaire ou de la santé en relevant le taux de pesticides ingérables par nos organismes.  C’est cette Europe prédatrice et impérialiste qui a entrainé d’autres pays dans la mise à sac de la planète en détruisant les écosystèmes au mépris des générations actuelles et futures. C’est bien cette Europe qui ne cesse de fixer des normes par-dessus nos têtes sans même que les «élus  locaux» dépourvus de pouvoir réel de décision aient voix au chapitre.

C’est encore à cette Europe là –pour l’essentiel- que nous devons la cherté actuelle du carburant, du fait de son alignement sur les positions de TRUMP . Dans cette Europe que l’on présente comme un paradis de prospérité et de paix on compte des millions de chômeurs, de travailleurs pauvres, de ménages vivant en dessous du seuil de pauvreté. Dans cette Europe des milliers d’entreprises sont liquidées, sacrifiées sur l’autel du profit capitaliste. Au sein de cette Europe c’est l’accroissement des tensions, c’est la montée du fascisme menaçant, c’est le rejet des immigrés, la multiplication des crimes racistes.  Cette  Europe qui hypocritement parle de pacifisme, fomente les guerres notamment en Afrique et au Moyen Orient et reste l’une des principales pourvoyeuses d’armes à des belligérants qu’elle manipule.  C’est encore cette Europe qui soutient sans réserve l’état fasciste d’Israël massacrant le peuple Palestinien. C’est elle qui en ce moment, avec le gouvernement des États-Unis, harcèle le Venezuela, lui impose un blocus et appelle à un coup d’état contre un gouvernement légitime et démocratiquement élu. N’en déplaise aux quelques politiciens « locaux » qui, parce qu’ils trompent consciemment le peuple pour  satisfaire leurs ambitions électoralistes ou parce qu’ils vivent dans l’illusion,  figurent sur les listes des candidats français à la députation européenne, nous ne voulons pas de cette Europe destructrice et mortifère. Nous appelons les Martiniquaises et Martiniquais à boycotter massivement le scrutin du 25 mai prochain et à transformer une abstention record en résistance résolue contre le pouvoir colonial français, contre l’intégration forcée et mortelle de notre pays à la France et à l’Europe.

PA BA MOUN BATON POU BAT NOU ! PA VOTÉ  SANMDI 25 MÉ 2019 !

Conseil National des Comités Populaires (CNCP), Mouvement des Démocrates et Ecologistes pour une Martinique Souveraine (MODEMAS), Mouvement Pour la Résistance et l’Offensive Martiniquaise (MPREOM), Pati Kominis pou Lendépandans ek Sosyalizm.

“Nous,  participants et participantes à la rencontre organisée par le CNCP, le MODEMAS et le PKLS le jeudi 25 octobre 2018 au Centre Culturel du Bourg du Lamentin, affirmons  que le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, principe reconnu par les institutions et législations internationales, ne peut souffrir d’aucune exception ni dérogation  et que son application ne saurait, en aucun cas, être déterminé par les cadres et décisions venant de puissances dominantes dont l’autorité a été imposée aux peuples concernés. En conséquence :

  • Nous dénonçons les conditions dans lesquelles se déroule le référendum organisé par la France en Kanaky. L’offensive de peuplement ininterrompue depuis la circulaire de Pierre Messmer, la participation de ressortissants Français au suffrage, le contrôle des moyens médiatiques et la domination économique coloniale enlèvent toute crédibilité à ce référendum au résultat programmé.
  • Nous dénonçons la répression sauvage du peuple Catalan par le régime monarchique Espagnol. la violence policière contre des populations civiles, l’incarcération de dirigeants élus coupables d’avoir organisé ou participé à un référendum d’autodétermination et de prôner l’instauration d’une République sont une agression contre le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
  • Nous dénonçons les manœuvres de déstabilisation et de subversion orchestrées par les puissances occidentales contre le peuple Vénézuélien. En bafouant les choix de ce peuple qui a exprimé sans équivoque son soutien à la Révolution Bolivarienne à travers des élections fiables et transparentes, en organisant le chaos économique et en attisant une subversion violente au Venezuela, les impérialistes piétinent le droit international.
  • Nous dénonçons le maintien de la domination coloniale française en Martinique.  La réalité du colonialisme se manifeste par une administration totalement dirigée par la France, l’absence pour le Peuple Martiniquais de tout pouvoir politique réel, le caractère extraverti de l’économie soumise aux intérêts français et le contrôle des médias et de l’éducation. Ce sont des barrières érigées contre le droit de notre peuple à l’autodétermination.

    Martinique le 25 Octobre 2018

Un camarade a séjourné il y a peu en Martinique, et en revient après de nombreux échanges avec la gauche du mouvement indépendantiste local. Il partage ici les nuances et débats passionnés qui traversent l’ensemble des mouvements et partis indépendantistes concernant la formation du plus célèbre d’entre eux : Alfred Marie-Jeanne, député à Paris pendant 10 ans.

Bretagne-Info.

Le MIM en tension : la fin du pseudo-indépendantisme du parti ?

Le 7 septembre aura lieu l’Assemblée Générale du Mouvement Indépendantiste Martiniquais, une réunion cruciale pour l’avenir du parti : le leadership d’Alfred Marie-Jeanne, incontesté depuis 1978, est en effet mis en danger par les tensions entre ses partisans et ceux de Jean-Philippe Nilor, député indépendantiste martiniquais. Le changement de direction du parti pourrait s’avérer intéressant, les frondeurs revendiquant « un MIM qui doit revenir à ses fondamentaux, dans son fonctionnement », car le MIM a, dans son histoire, trahi à maintes reprises l’objectif initial du parti, sous l’égide d’Alfred Marie-Jeanne qui règne en autocrate à l’intérieur de la formation. Revenons sur l’histoire de ce mouvement.

Alfred Marie-Jeanne

L’indépendantisme douteux voire opportuniste d’Alfred Marie-Jeanne

« Ce n’est ni une question d’indépendance, ni d’autonomie », titrait un des premiers journaux d’Alfred Marie-Jeanne quand il cherchait à atteindre la mairie de Rivière-Pilote en 1971. C’est en 1973 que sa formation, La Parole du Peuple, s’allie avec les autonomistes du PPM mais il commence à parler d’indépendance en 1974, lors des grandes grèves dans les bananeraies. Initiées par les indépendantistes d’obédience marxiste, ces événements secouèrent violemment l’île, donnant lieu à des combats violents qui firent 2 morts et de nombreux blessés. Alfred Marie-Jeanne profite de cette effervescence pour se projeter à la tête de la revendication indépendantiste en créant la CSTM, syndicat sous son contrôle. Doté de grandes qualités oratoires, il fonde quatre ans plus tard le MIM avec les militants rassemblés sous sa bannière. En plus de son talent de tribun, le leader (aux résultats électoraux incontestables) est accusé de pratiquer le clientélisme pour fidéliser sa base militante. Toujours prêt à rendre service, il n’hésite pas à utiliser les ressources de sa mairie pour des objectifs politiques (donner des permis de construire à ses militants, reconstruire une route à l’autre bout de l’île en vue de l’élection régionale, donner à des mouvements des revendications corporatistes au sein de la CSTM…). Ainsi, ça n’est pas tant le programme et les visées du MIM qui rassemblent, mais simplement le charisme d’Alfred Marie-Jeanne et ses magouilles.
Le problème avec l’opportunisme, c’est qu’en plus d’être malhonnête vis-à-vis de ses engagements, il trahit rapidement les objectifs de fond. Enfoncé dans l’électoralisme et le souci de rester « politiquement correct » dans l’optique de toucher un maximum de personnes (au lieu de s’échiner à construire un discours politique révolutionnaire à l’instar de la gauche indépendantiste martiniquaise), le maître du MIM maintes fois fait figure d’agent du colonialisme, à se demander s’il ne sert pas l’État Français plus que le peuple Martiniquais.

Drapeau Martiniquais

L’électoralisme avant la revendication

Sans passer par le débat de la participation aux élections ou non, des faits objectifs prouvent qu’un parti indépendantiste se compromet. C’est le cas ici quand il va jusqu’à être contradictoire : lors d’un match entre l’équipe martiniquaise et nicaraguayenne en juillet 2017, Alfred Marie-Jeanne piqua une colère noire à la vue des drapeaux indépendantistes dans les tribunes. Le drapeau rouge-vert-noir, présent dans les rangs des indépendantistes depuis le premier acte militant de la cause en 1962, n’a en effet jamais été adopté par le MIM. Pourquoi même pas une tolérance ? La réponse est électorale encore une fois : en 2015, la liste que le parti dirigeait pour les régionales fait une alliance avec la Droite Républicaine, lui permettant de se réimplanter solidement en Martinique. Le deal sur lequel cette alliance fut forgée : pas de débat sur le statut ou l’indépendance de la Martinique pendant 5 ans pour le MIM. À ce niveau là, le militantisme est contre-productif. Mais ce n’est qu’une suite logique : en se posant continuellement en interlocuteur du colonialisme, le parti n’a plus intérêt au conflit et aux gains politiques : pendant la grève générale en 2009 par rapport à la crise économique, et alors que toute la gauche indépendantiste descendait dans la rue, Alfred Marie-Jeanne prenait position contre les grévistes, tout comme il avait prit position contre les artistes, les chauffeurs, les éleveurs… Le cheval de bataille de l’indépendantisme, la question des réparations de l’esclavage, est totalement absente de leur discours également, de peur de froisser leurs amis colons.

Quelle indépendance ?

La construction politique du parti donne un aperçu de la conception de l’indépendance par Alfred Marie-Jeanne et ses partisans : politique néo-libérale (aucune revendication sociale ne figure dans leurs revendications, mais on y parle de restaurer l’équilibre comptable et d’assainir les finances publiques), clientélisme, règne autocratique du leader (le programme est tout de même écrit à la première personne)…
L’analyse de Frantz Fanon sur le rôle du parti indépendantiste bourgeois avant l’indépendance (dans Les Damnés de la Terre) s’applique à la perfection : une élite déconnectée des masses et de leur situation qui se pose en interlocuteur privilégié du colonialisme pour permettre à ses membres de gagner en crédibilité. Durant les phases insurrectionnelles, le parti reste sagement attendre dans ses bureaux que la situation dégénère pour les colons avant d’intervenir pour proposer un compromis avantageux à ses membres et aux colons : ces derniers se retirent sans être vaincus, avec de solides garanties (Franc CFA, bases militaires) bien protégées par la nouvelle élite dirigeante qui ne fait que perpétuer un système d’oppression, changeant simplement la couleur du drapeau.

Le MIM n’est donc nullement anticolonialiste et son indépendantisme est illusoire, du moins pour le moment : Nilor, le député élu du MIM, va peut-être inverser la tendance ? Il avait déjà prit position pour le drapeau indépendantiste contre la direction du parti, et souhaite revenir à un fonctionnement plus démocratique… Néanmoins, l’alternative ne deviendra intéressante qu’à partir du moment où le MIM changera radicalement sa ligne pour entrer dans une logique indépendantiste connectée aux revendications sociales et cessera sa collaboration électoraliste avec l’État français ; car l’indépendance ne sera totale que si elle se fait vis-à-vis de l’oppression d’une manière générale.

I.I.